En effet, ces deux marques ont le même père. Il s'agit de Henry Leland, «Uncle Henry» pour les intimes. Né le 16 février 1843, à Danville, au Vermont, cireur de chaussures à l'âge de 9 ans, Leland devient ingénieur, puis se lance dans la fabrication de moteurs d'abord pour Oldsmobile, puis pour Ford.

En effet, ces deux marques ont le même père. Il s'agit de Henry Leland, «Uncle Henry» pour les intimes. Né le 16 février 1843, à Danville, au Vermont, cireur de chaussures à l'âge de 9 ans, Leland devient ingénieur, puis se lance dans la fabrication de moteurs d'abord pour Oldsmobile, puis pour Ford.

En 1902, appuyé par deux ex-associés de Ford, Leland crée la marque Cadillac, qu'il vend quelques années plus tard à William Durant, le fondateur de General Motors. Leland quitte GM pendant la Première Guerre mondiale pour se consacrer à la fabrication de moteurs d'avions. Puis, à l'âge de 74 ans, avec 10 millions de dollars fournis par le gouvernement américain, il crée la Lincoln Motor Company en l'honneur d'Abraham Lincoln, le premier président pour lequel il a pu voter. Dès 1919, Lincoln se recentre sur l'automobile, dans le créneau de la voiture de grand luxe où priment l'excellence technique et la quête de perfection.

Mais le perfectionnisme étant parfois un défaut, Lincoln éprouve rapidement des difficultés financières, malgré la superbe qualité de ses produits. Flairant la bonne affaire, l'autre Henry (Ford) se porte acquéreur de Lincoln à une fraction de sa valeur et se lance ainsi aux trousses de GM et de sa Cadillac, dans le monde huppé de l'automobile de luxe.

Fin renard, Ford s'efforce de sauvegarder la réputation de qualité de Lincoln, qui continue de produire des voitures faites en partie à la main par des artisans. La crise économique des années 30 ne parvient pas à anéantir Lincoln, qui dévoile en 1932 le modèle KB animé par un V12 de 7,2 litres. C'est alors qu'entre en jeu un autre président des États-Unis, Calvin Coolidge, qui se procure une Lincoln et lance ainsi une tradition qui survivra pendant des décennies.

En 1940 et grâce à la persévérance d'Edsel Ford, le fils de Henry, Lincoln dévoile la Continental, une superbe création d'inspiration européenne (d'où son nom) signée Eugene Gregory. Belle à souhait, la Continental lance Lincoln vers de nouveaux sommets. Elle figure aujourd'hui parmi les 100 voitures les plus marquantes du XXe siècle.

En 1963, Lincoln entre dans l'histoire avec l'assassinat de John Kennedy à bord de la Lincoln Continental présidentielle. Ce modèle tristement célèbre, aux lignes classiques et épurées, a été lancé en 1961. Son impact est tel qu'il reste presque inchangé pendant huit ans dans une Amérique à présent conditionnée au rituel trompeur des changements annuels.

Mais les années 60 cèdent la place aux années 70; c'est le début de la désolante banalité. Comme pour le reste de la production américaine, c'est le début du lent déclin marqué par la qualité en baisse, le design générique et le peu d'innovations techniques. Bref, la médiocrité. Une médiocrité qui atteint son paroxysme à la fin des années 80, avec une Continental traction avant et moteur V6. Autrefois marque de prestige, Lincoln est réduite à jouer les taxis et limousines d'aéroport Uncle Henry méritait mieux. Le public aussi.

L comme Lincoln et comme Lemelin

Trêve de nostalgie. Parlons plutôt d'élégance, comme celle de cette dame chapeautée que vous voyez sur la photo en compagnie d'une Lincoln V121 948. «J'ai trouvé la Lincoln dans une grange», raconte Gilles Lemelin, policier à la retraite. «Elle en était à son deuxième propriétaire et j'ai dû travailler pendant quatre ans avant qu'il n'accepte de me la vendre. Elle était complète mais dans son jus, et le moteur ne tournait plus. J'entreprends donc de le réparer.» «Êtes-vous mécanicien?» demande le chroniqueur. «Non, mais je suis bisouneux», répond le collectionneur sans peur et sans reproche. «J'avoue qu'il a fallu reprendre les réparations après 2000 milles Un V12, ce n'est pas un moteur facile, sans compter que les V12 Lincoln avaient connu quelques difficultés. Pendant longtemps, mes amis m'ont suivi avec un coffre d'outils, mais aujourd'hui, ma Lincoln n'a presque plus de secrets pour moi et nous sommes devenus de très bons amis.»

Si la Lincoln des Lemelin porte très bien ses 59 ans, les Lincoln de Ford, assaillies de toutes parts, cherchent à se refaire une santé dans un marché difficile. Les dernières créations de la marque laissent entrevoir un renouveau. Souhaitons qu'il soit aussi réussi que celui de sa vieille soeur et rivale, Cadillac.

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Dans le rétroviseur de la lincoln V121948

Empattement / longueur, cm (po) : 317 (125) / 550 (217)

Poids : 2260 kg (4980 lb)

Moteur : V12 à 75 degrés, 4,8 L (292 po3),120 ch à 3800 tr/min

Transmission : propulsion, boîte manuelle 3 vitesses avec surmultipliée à commande électrique

Freins : hydrauliques, à tambour

Pneus : 7.00 x 15

Prix (1948) : environ 1600 $

Valeur (2007) : environ 28 000 $

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La même année 1948

» Le président Harry Truman signe le plan Marshall, qui autorise une aide de 5 milliards de dollars à 16pays.

» Les Nations unies adoptent la Déclaration universelle des droits de l'homme.

» Le second référendum tenu par Terre-Neuve (en moins dedeux mois) donne une très faible majoritéau camp du OUI : Terre-neuve devient la10e province canadienne.

» Le premier ministre Mackenzie King démissionne, Louis Stephen Saint-Laurent (libéral) lui succède.

» Le massacre de Palestiniens à Deir Yassin est suivi de la proclamation de l'État d'Israël et la fin du mandat britannique sur la Palestine. Le lendemain (15 mai), c'est la première guerre arabo-israélienne.

» Naissances : Bobby Orr, Al Gore, le prince Charles et le rockeur AliceCooper (né Vincent Damon Furnier).

» Décès : Orville Wright, un des pionniers de l'aviation.

Pour joindre notre chroniqueur : alain.raymond@lapresse.ca