Dans les méandres du centre de congrès Cobo où se tient tous les ans le Salon de l'auto de Detroit, il est facile de se perdre parmi les centaines de nouveaux modèles de voitures.

Dans les méandres du centre de congrès Cobo où se tient tous les ans le Salon de l'auto de Detroit, il est facile de se perdre parmi les centaines de nouveaux modèles de voitures.

Cette année, ce sentiment était amplifié par l'apparence d'autos qui, dans certains cas, au premier coup d'oeil, semblent exposées sous la mauvaise bannière.

Prenons le nouveau coupé sportif Altima (Nissan), dont le design aux lignes pures ressemble beaucoup à l'Infiniti G35, une voiture que la division des voitures luxueuses de Nissan offre à un prix bien supérieur.

À quelques pas, on aperçoit la version concept du coupé Accord (Honda), avec une silhouette musclée et agressive qui rappelle beaucoup plus le modèle Acura, la marque haut de gamme de Honda.

La confusion devant différents modèles du même constructeur automobile constitue un problème depuis très longtemps aux États-Unis, où les trois grands ont été obligés au fil des ans de produire différentes versions du même véhicule pour plus d'une marque. Les constructeurs japonais, par contre, plus petits que leurs concurrents de Detroit, n'avaient pas à se préoccuper d'un tel dédoublement. Mais aujourd'hui, avec l'introduction par les constructeurs étrangers de nouveaux modèles bas de gamme et haut de gamme dans leurs marques respectives, les consommateurs doivent parfois y regarder deux fois.

Même les Européens y songent. BMW construit les Mini Cooper, mais tentera de séduire le même segment de marché quand elle commercialisera ses modèles de Série 1 en Amérique du Nord.

Cette tendance - appelons-là supplantation ascendante ou descendante - décrit ce qui arrive quand des constructeurs automobiles changent substantiellement le prix d'une voiture en espérant créer une nouvelle identité pour la marque ou le modèle, et ainsi attirer de nouveaux acheteurs.

Étant donné la difficulté de modifier des identités déjà fermement établies, les constructeurs doivent souvent agir par étapes, au moyen de nouveaux designs ou en ajoutant des moteurs puissants.

«Vous sortez la voiture à moitié d'un créneau et l'insérez à moitié dans un autre créneau, explique David E. David, rédacteur en chef de Winding Road, un magazine Internet de voitures. Le résultat, c'est d'élever la voiture d'un niveau, à la catégorie de prix ou de taille immédiatement supérieure.»

Ce phénomène n'a rien à voir avec ce qu'on appelle en anglais le badge engineering où les constructeurs prennent essentiellement le même véhicule et le vendent sous des appellations différentes avec seulement de légères modifications cosmétiques (à l'avant, aux feux arrière, changement de nom).

Cette pratique a même inspiré Lincoln, dans les années 1980, à se moquer dans ses publicités des sosies de marque différente de General Motors. Les japonaises ont elles aussi succombé à la tentation du badge engineering dans les décennies suivantes quand elles ont décidé d'introduire des modèles plus luxueux. Avant de pouvoir développer des plateformes nouvelles, elles ont dû utiliser celles des voitures et camionnettes existantes.

Les modifications actuelles dans les stratégies de marques s'expliquent en partie par la difficulté de concevoir de nouveaux types de véhicules, comme les utilitaires ou les croisements, qui ont par le passé alimenté la croissance. «Nous sommes dans une accalmie», croit Wesley Brown, analyste de l'industrie automobile à Iceology, une société de marketing à Westwood (Californie).

Quand Nissan a voulu commencer à vendre son coupé deux portes, elle s'est clairement inspirée de l'Infiniti pour son design. La nouvelle Altima doit servir à relancer les ventes de Nissan aux États-Unis qui ont décliné en 2006 après une croissance soutenue depuis le début du siècle. Plusieurs voient une ressemblance marquée entre les deux voitures. Un site Web, Autoblog.com, appelle l'Altima «la G35 du pauvre».

Pour leur part, les dirigeants de Nissan affirment l'existence de différences très claires entre les deux marques. L'écurie Nissan compte seulement deux voitures similaires, l'Armada de Nissan et l'Infiniti QX56, deux gros utilitaires. Le coupé Altima est équipé d'une traction avant, la G35 d'une traction arrière (les deux seront disponibles avec traction intégrale).

«Il y a une différence dans le comportement des véhicules quand vous les conduisez, ajoute Fred Standish, porte-parole de Nissan. Il est très important que ces marques et leurs identités soient distinctes.»

L'identité des marques risque de gagner encore en importance au cours des prochaines années. Des compagnies européennes comme Alfa Romeo, Citroën et Fiat tenteront peut-être un retour sur le marché nord-américain, en attendant l'arrivée d'ici quelques années de nouveaux joueurs de la Chine, tels Geely et Changfeng.

Selon certains dirigeants de l'industrie automobile, le changement de comportement des acheteurs explique aussi l'évolution des marques de voitures. Jadis, les consommateurs commençaient avec des voitures bon marché et passaient graduellement à des véhicules plus dispendieux.

Au cours des années 1990, les consommateurs «achetaient les voitures à la livre», préférant les gros utilitaires et camionnettes alors en vogue, affirme James Lentz, vice-président directeur de Toyota Motor Sales USA. Aujourd'hui, dit-il, «les jeunes veulent des véhicules plus petits, mais pas meilleur marché».