Il y a deux semaines, je suis allé faire la tournée des concessionnaires. Vous aimez cela, vous, faire la tournée des concessionnaires? Moi, pas. En toute franchise, c'est pour ma tante que j'y suis allé. Elle doit rendre son véhicule à la fin du mois, échéance fixée par son bail et elle veut de «nouvelles roues».

Il y a deux semaines, je suis allé faire la tournée des concessionnaires. Vous aimez cela, vous, faire la tournée des concessionnaires? Moi, pas. En toute franchise, c'est pour ma tante que j'y suis allé. Elle doit rendre son véhicule à la fin du mois, échéance fixée par son bail et elle veut de «nouvelles roues».

Pour quoi faire, tante Yoyo (c'est son surnom), ta voiture n'a que 17 000 kilomètres au compteur? Elle ne veut rien entendre, elle veut du neuf, «comme ça je me sentirai plus en sécurité». Pourquoi m'obstiner, c'est elle qui paye, non!

Le rendez-vous est pris pour jeudi après-midi. On se met d'accord sur un point: ne pas dire ce que je fais dans la vie. Je suis ton neveu, juste ton neveu, d'accord ma tante? Pour être certain de ne pas être reconnu, j'ai enlevé ma barbe, puis coiffé mes cheveux différemment. Cela a parfaitement fonctionné. La preuve: l'un des représentants rencontrés au cours de ce pèlerinage avait l'une de mes chroniques plastifiées sous les yeux et ne s'est jamais douté que j'étais assis devant lui.

Première station. Nous débarquons chez le locateur de son véhicule actuel. Personnellement, j'ai trouvé que ma tante était bien bonne car le représentant n'a jamais eu le professionnalisme de la rappeler pour lui offrir un nouveau véhicule ou encore lui rappeler les options qui s'offrent à elle. Mais c'est elle qui paye, me suis-je répété 100 fois et sa voiture actuelle, elle l'aime bien. Assez pour en louer une autre de ce «charmant jeune homme». C'est fou, mais je n'étais pas de son avis. Le type était faux. Visiblement, il aurait préféré que nous nous annoncions quelques heures (ou quelques jours?) à l'avance. Il n'est pas prêt. Il potasse ses papiers, regarde longuement l'écran de son ordinateur sans dire un mot, sans chercher à remplir les temps morts; même si ce n'était que pour nous parler de la pluie et du beau temps.

Rien. Ma tante est patiente. Elle a la main sur sa sacoche, prête à sortir son chéquier pour sceller la transaction, mais «son vendeur» débite d'une voix monocorde les différents scénarios, sans conviction. Il n'a pas le coeur à la vente. Il n'a pas vendu non plus. Puisque l'attitude d'un seul représentant ne permet pas d'évaluer l'ensemble du personnel d'un concessionnaire, vous ne m'en voudrez pas de ne pas vous révéler son identité et son lieu de travail.

Deuxième station. Là, c'est plus sympathique. Le représentant a de l'entregent et le sourire facile. Poignée de main franche, esprit d'ouverture, celui-là sait que c'est ma tante et non moi qui vient pour acheter. Pour louer en fait. C'est aussi lui qui avait ma chronique sous les yeux qui traitait justement du modèle convoité. Jugeant que nous étions vendus à sa cause, il ne l'a pas brandit et s'est plutôt concentré à établir un contact visuel avec ma tante, tout en vérifiant, à l'occasion, si j'acquiesçais ou non. Il a énuméré sans faillir les principaux attributs de «son» modèle, offert d'aller faire un petit tour à son volant et n'a pas hésité à faire chauffer sa calculette pour nous faire «un prix qui ne se refuse pas». Hélas, nous avons refusé. L'offre, malgré des efforts bien sentis, ne correspondait pas au budget fixé par ma tante. Désolé, une prochaine fois.

Troisième station. Le concessionnaire ne paie pas de mine. Nous débarquons au beau milieu d'un chantier. «On rénove, pour mieux vous servir», peut-on lire sur la banderole fixée sur le mur. Une réceptionniste nous accueille dès notre arrivée et, à notre demande, convoque une représentante...

Affable, attentionnée, elle nous met en confiance, même si, de mon point de vue, il lui manque un brin d'assurance: elle colle trop à un texte appris par coeur. Ma tante trippe sur la couleur vert pomme du modèle qui se trouve dans la salle d'exposition. La représentante, elle, a peur de ne pas avoir le temps de débiter la liste des accessoires de série. Un peu d'improvisation et de souplesse, madame, et vous seriez parfaite.

Elle ne presse rien, mais va droit au but. Avant de servir le prix, elle s'assure que le véhicule correspond aux besoins de ma tante. Elle l'invite à s'asseoir au volant, va au devant des questions et ne manque pas d'aborder le service après-vente, des heures de navette et la compétence des techniciens. Il n'en fallait pas plus. À peine ai-je eu le temps de faire signe à ma tante que le chéquier était déjà sorti. Transaction conclue, à sa satisfaction et la mienne puisqu'à la clé, elle m'a promis de me faire goûter de nouveau à sa sauce à spaghetti. Je salive, juste à y penser.