Dans quelques semaines, la Table de la sécurité routière présidée par Jean-Marie de Koninck déposera ses recommandations visant à améliorer notre bilan routier. Elles cibleront probablement toutes notre portefeuille.

Dans quelques semaines, la Table de la sécurité routière présidée par Jean-Marie de Koninck déposera ses recommandations visant à améliorer notre bilan routier. Elles cibleront probablement toutes notre portefeuille.

Le gouvernement québécois a promis «une série de mesures visant à faire prendre au citoyen ses responsabilités au volant.» Il était temps. Reste maintenant à voir comment il compte s'y prendre? Allez savoir pourquoi, j'ai le sentiment de connaître la réponse déjà... Peu importe les recommandations formulées, toutes auront un dénominateur commun. Toutes cibleront notre portefeuille. C'est inévitable. Hélas, nous pourrons difficilement nous objecter. Dans un domaine aussi grave et aussi sensible que la mortalité routière, les règlements font peu de poids face à la douleur, et les statistiques deviennent obscènes quand les chiffres représentent des vies fauchées.

Allez savoir pourquoi, j'ai le sentiment aussi que les radars automatisés, c'est pour bientôt. Ils ne seront pas très nombreux au départ, mais avant longtemps Québec en sèmera sur toutes les routes considérées à risque. Remarquez, nous ne serons pas les premiers. Quelques pays dont l'Australie, l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, l'Israël, les Pays-Bas, Singapour, l'Afrique du Sud, Taiwan, le Royaume-Uni, la Norvège et la France (Ah! la France) l'ont déjà adopté. Il est vrai que le radar automatisé représente un moyen efficace pour réduire les accidents. On ne saurait nier qu'il s'agit aussi d'un moyen «égalitaire» pour traiter les délits de vitesse. Avec le radar automatisé, finie la tolérance pratiquée actuellement par les forces de l'ordre. La limitation à 100 km/h ne sera plus une hypocrisie que personne ne respecte. Encore faut-il, radar automatisé ou pas, que la règle soit claire et admise de tous. Est-ce dire, une fois les radars automatisés en place, que nous serons sanctionnés à 101 km/h, plutôt qu'à 120 km/h comme c'est généralement le cas?

Tout le monde ne manifeste pas un enthousiasme absolu à l'égard des radars automatisés. Certains se disent agacés par ce «nouvel instrument de répression» qui, selon eux, porte atteinte aux droits et libertés. En fait, le radar automatisé ne photographierait que la plaque d'immatriculation et non le conducteur. Conséquemment, la contravention serait donc acheminée au propriétaire du véhicule qui n'est pas forcément le conducteur fautif. Le Protecteur du citoyen avait d'ailleurs déjà émis à ce sujet des réserves soulignant que si cette mesure facilitait la vie du gouvernement, elle ne respectait pas les droits des propriétaires de véhicules. On peut également s'interroger si le fait de traquer en priorité les excès de vitesse est la véritable panacée aux maux de «l'insécurité routière» et conduira à la négligence d'autres formes d'excès routiers également mortels? Certes, la vitesse est un facteur aggravant d'accident. Mais le danger, sur route, ne provient-il pas également, d'une vitesse inadaptée, dans un sens large, aux conditions de la circulation (signalisation déficiente, état de la chaussée, conditions météo, etc.)?

L'ironie est que du temps où le parti Québécois était au pouvoir, le parti Libéral et l'ADQ s'étaient farouchement opposés à l'utilisation de ces radars qu'ils qualifiaient à l'époque de «machines à sous». La nouvelle ministre des Transports, Louise Boulet s'en souvient-elle? Sans doute, mais elle aura tôt fait de nous rappeler que les routes du Québec n'ont jamais été aussi meurtrières pour justifier cette volte-face. Et aussi, elle aura en main le rapport de la Table de la sécurité routière qui, outre les radars automatisés prônera une utilisation restreinte des portables, des campagnes de sensibilisations plus musclées et- qui sait - le financement de l'Opération Nez Rouge à l'année? Et la rage au volant? Et la conduite sous l'effet de stupéfiants? On demande à entendre des idées (plus) brillantes surtout.

Alors, rêvons un peu! Et si le «fameux rapport de Koninck» innovait? Et si, par exemple, il rendait de nouveau obligatoire l'apprentissage de la conduite automobile? Et s'il imposait un couvre-feu aux jeunes comme cela se fait en Ontario? S'il forçait les automobilistes à subir un examen de conduite à tous les 5 ou 10 ans? S'il incitait à la création d'écoles de conduite spécialisées pour parfaire la maîtrise d'un véhicule en accordant des crédits d'impôt? S'il exigeait d'intégrer des cours de formation aux écoliers pour les sensibiliser aux dangers de la route (en tant que piétons, passagers à bord d'un véhicule, cycliste, et futur automobiliste)? Arrêtons de rêver, rien de tout cela ne se trouvera dans ce rapport.

Certains automobilistes aux tempes grises vous rappelleront l'époque où la vitesse n'était pas aussi contrôlée, où la loi manquait de dents pour coffrer les automobilistes circulant avec plus d'alcool que de sang dans les veines, où le port de la ceinture de sécurité n'était pas obligatoire où les tests de collision n'existaient pas, ni les coussins de sécurité gonflables, les aides à la conduite (ABS, antipatinage, antidérapage, etc.), et où le talent d'un véhicule se mesurait à sa vitesse de pointe. Bref, ces automobilistes ont connu le pire : les années où la mort était postée aussi bien dans les virages que sur les lignes droites. En ce temps-là, prendre la route constituait une aventure qui pouvait tourner au drame. Aujourd'hui, nous devrions être aussi sinon plus vigilants. Hélas, nous ne le sommes pas toujours!