Parmi eux, un certain Mike Costin, aérodynamicien de talent et le brillant Colin Chapman, ingénieur et créateur de la marque Lotus qui s'efforce d'appliquer à l'automobile les principes de la construction aéronautique. Chapman et Costin s'associent pour produire des voitures de course qui se distinguent par leur légèreté et leur pureté aérodynamique.

Parmi eux, un certain Mike Costin, aérodynamicien de talent et le brillant Colin Chapman, ingénieur et créateur de la marque Lotus qui s'efforce d'appliquer à l'automobile les principes de la construction aéronautique. Chapman et Costin s'associent pour produire des voitures de course qui se distinguent par leur légèreté et leur pureté aérodynamique.

C'est ainsi que naît l'idée de l'Elite, un petit coupé sport deux places qui présente un tel nombre d'innovations technologiques qu'il figure parmi les 100 voitures les plus marquantes du XXe siècle malgré les défauts dont furent affublés les quelques centaines d'unités produites.

Rappelez-vous, nous sommes en 1957. Les voitures montées sur châssis-poutre, descendant directs du carrosse à chevaux, les carrosseries lourdes en acier, les suspensions à essieux rigides, les freins à tambours et les moteurs en fonte sont la norme. À ces solutions vieilles d'un demi-siècle, le duo Chapman-Costin oppose une kyrielle de nouveautés qui raviront les observateurs et le public au Salon de Londres de 1957. La Lotus 14, baptisée Elite, est entièrement faite en matière composite. Trois moulages en polyester renforcés à la fibre de verre sont ainsi collés ensemble pour former le châssis ET la carrosserie. Cette technique sert encore aujourd'hui de modèle à ceux qui cherchent à construire une structure unitaire en matière composite.

À cette structure ultra légère et ultra rigide viennent se greffer les éléments mécaniques, à commencer par les suspensions indépendantes aux quatre roues. À l'arrière se trouve la première application pratique de la suspension du type Chapman composée d'une jambe de force à combiné ressort-amortisseur (à la MacPherson), d'un seul bras et d'un demi-arbre de transmission de longueur fixe agissant comme élément de guidage. Le différentiel est accroché directement au châssis en fibre de verre. Les quatre freins sont à disque - une rareté à l'époque - et les freins arrière sont accolés au différentiel pour en maximiser le refroidissement et, plus important encore, alléger l'ensemble roue et pneu.

Moteur poids plume

À l'avant, derrière l'axe des roues, c'est-à-dire en position centrale, est logé le petit moteur de 1,2 litre issu d'une pompe à incendie. Conçu et réalisé par Coventry Climax, le 4 cylindres FWP (Feather Weight Pump, pompe poids plume), entièrement en aluminium et à simple arbre à cames en tête, a le grand avantage de ne peser que 90 kg. En outre, étant du type super-carré (alésage supérieur à la course), le petit moulin tourne à haut régime et développe, selon les versions, entre 71 et 105 chevaux à 7000 tours-minute. Certes, ce n'est pas beaucoup en termes absolus, mais quand vous ne pesez que 585 kg, croyez-moi, ça déménage! Dotée d'une direction à crémaillère ultra précise et d'une boîte 4 vitesses à maniement direct, la petite Lotus présente une agilité diabolique!

Dessinée par un comptable

Et la cerise sur le sundae de ce cocktail anglais, Chapman confie à Peter Kirwan-Taylor, un ami comptable qui dessine pour son plaisir, le soin de croquer la carrosserie de son Elite. Perfectionnée par le talentueux Costin, cette carrosserie allie finesse aérodynamique et esthétique remarquable. Cinquante ans plus tard, la belle Elite fait encore rêver et sa compétence routière est telle qu'elle a réussi à remporter SIX années de suite la première place de sa catégorie aux redoutables 24 Heures du Mans (1959 à 1964).

Beauté fragile

Malgré toutes ses qualités et sa beauté intemporelle, l'Elite pose à Chapman de nombreux problèmes dus au manque de développement. Hélas, les moyens de cet «Enzo britannique» sont fort limités et son «usine» ne compte qu'une douzaine de mécaniciens salariés. Dévoilée en 1957, les premières Elite ne sortent d'usine qu'en 1958 car Chapman doit quêter son financement pour payer ses employés et ses fournisseurs. Les sommes dévolues au développement de la voiture sont donc inexistantes et la fiabilité - talon d'Achille de nombreuses créations géniales - est souvent atroce. Sans compter que la petite Elite coûte le prix d'une Jaguar, d'une AC ou d'une Aston Martin. Pour écouler son stock d'Elite invendues, Chapman propose une version en kit livrable à 70 % du prix de la voiture complète. Pas surprenant donc que la production se limite à près de 1000 exemplaires. N'empêche que ce petit bijou de voiture aura marqué l'histoire de l'automobile par son audace et sa beauté pure. Sans oublier qu'elle aura permis à Chapman de faire ses premières armes au chapitre de la production de voiture de série et les leçons ainsi apprises nous vaudront quelques années plus tard l'incomparable Lotus Elan (1962-1973), la descendante de l'Elite.

Chapman n'est plus (1982) mais ses sept championnats du monde de Formule 1 vivent dans nos souvenirs, tandis que l'Elite et l'Elan font encore la joie des collectionneurs et que l'esprit Lotus revit depuis 1996 dans la géniale Elise.

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DANS LE RÉTROVISEUR DE LA LOTUS ELITE 1958

Empattement / longueur / largeur / hauteur (cm): 224 / 366 / 147 / 117

Poids : 585 kg

Moteur : 4 cyl. en ligne, 1216 cc, 71 ch à 105 ch, selon les versions

Transmission : propulsion, boîte manuelle, 4 vitesses

Suspensions : indépendantes

Direction : à crémaillère

Freins : disques

Pneus : 480 x 15

Vitesse maxi : 175 à 195 km/h selon le moteur

Production (1957-1962) : 1050 unités

Prix (1958) : environ 4800$

Valeur (2007) : environ 60 000$

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LA MÊME ANNÉE (1958) :

» Naissance de la Communauté économique européenne (CEE) tandis qu'en France, le général Charles de Gaulle est élu premier président de la Ve République.

» Au Québec, grève des réalisateurs de Radio-Canada, donnant un avant-goût de la Révolution tranquille.

» Les Canadiens remportent leur troisième Coupe Stanley d'affilée. En Formule 1, Ferrari triomphe avec le Britannique Mike Hawthorn qui trouve la mort en 1959 dans un banal accident de la route.

» Création de la NASA et mise sur orbite d'Explorer I, le premier satellite américain.

» L'Oscar du meilleur film: Le pont sur la rivière Kwai (Sam Spiegel).

» Les Américains Arthur Schawlow et Charles Townes posent les bases théoriques du laser.

Pour joindre notre chroniqueur : alain.raymond@lapresse.ca