«Il nous manque tous quelques-uns», confirme Marc, «ou alors nos boulons ne sont pas comme ceux des autres...» Et il embraye sur une histoire. «Laissez-moi vous raconter une petite histoire. Comme je suis membre du Luigi Ferrari Club, un organisme voué à la cueillette de fonds pour enfants malades, j’ai eu souvent l’occasion de montrer ma voiture à des enfants. De tous ceux que j’ai ainsi rencontrés, il y en a une qui restera gravée dans ma mémoire. Elle s’appelle Melissa et elle avait 6 ans. Assise sur mes genoux au volant de ma Ferrari, nous avons fait un petit tour et, au son du moteur, Melissa s’est écriée: c’est le plus beau jour de ma vie! J’en ai eu les larmes aux yeux. Voyez donc que le charme d’une Ferrari transcende les âges. Un charme envoûtant dont je suis l’heureux récipiendaire.»

Méticuleusement entretenue et rigoureusement authentique, la Ferrari noire de Marc Belcourt témoigne de ce que certains appellent avec nostalgie «l’âge d’or» de Ferrari, celle d’un constructeur essentiellement artisanal qui ne construisait des voitures de route que pour financer son insatiable passion du sport automobile. L’artisan n’est plus, mais ses créations font encore des heureux. Et pour longtemps.

Dans notre prochaine chronique: Le maestro et sa MG

Fidèle à son style de l’époque, Bertone habille la 308 GT4 d’une carrosserie aux lignes angulaires qui contraste fortement avec les lignes arrondies des modèles antérieurs, les sensuelles 246 GT Dino et 308 GT signées Pininfarina. Le dessin controversé de Bertone évoque d’ailleurs deux autres de ses créations: la redoutable Lancia Stratos et la Lamborghini Urraco, inspirée du prototype LP 500 de la Countach, dessinée chez Bertone par le talentueux Marcello Gandini. Tout comme la 308 GT4, la Lamborghini Urraco (1975-1979) est animée par un V8 central arrière et peut accueillir (le mot est fort) quatre occupants. Destinée à concurrencer la Porsche 911 et la Dino, l’Urraco fut une œuvre sans lendemain.

Sur le plan mécanique, la Ferrari 308 GT4 reprend le châssis de la 246 Dino, mais présente un empattement plus long qui autorise la présence des deux places arrière, places somme toute assez restreintes et logées à quelques centimètres du V8 de 3 litres disposé transversalement. Inutile de préciser que les occupants de ces «sièges» arrière ne risquent pas de mourir de froid, mais rien ne garantit que les tympans sortiront indemne d’une balade «vigoureuse»… En effet, les quatre carburateurs double corps Weber, les quatre arbres à cames et le train de distribution qui les anime produisent des bruits mécaniques qui feront le bonheur des amoureux de belles machines. Une musique que tous risquent cependant de ne pas apprécier.

«Il faut aimer la belle mécanique et les sons qui en émanent pour vouloir posséder une Ferrari de cette époque», explique Marc Belcourt, ingénieur de formation. «C’est une machine virile: l’embrayage est dur, le levier de vitesses doit être manié d’une main ferme et les freins nécessitent du mollet. Quant à la radio, elle est tout à fait inutile. Moi, je me régale de la musique du V8, surtout que le moteur a été «bonifié« par quelques modifications, notamment le retrait des filtres des carburateurs. On entend donc l’air s’engouffrer dans le moteur par les huit trompettes à nu…». Oserais-je le contredire? Non, pas moi qui m’abreuve aussi de ces bruits mécaniques qui font souvent penser à mon entourage qu’il me manque quelques boulons.

Est-il possible de construire une voiture sport animée par un moteur central arrière et pouvant accueillir quatre occupants? Voyez-vous une Porsche Boxster à quatre places? Pas très logique et certainement pas facile à réaliser. Mais tel fut le défi lancé par Enzo Ferrari au carrossier Bertone. Oui, Bertone et non la traditionnelle maison Pininfarina dont l’emblème orne la très grande majorité des voitures au cheval cabré.

C’est au salon de Paris de 1973 que la Ferrari 308 GT4 2+2 fait son apparition publique, marquant du même coup plusieurs premières pour le célèbre constructeur de Maranello: la première Ferrari de série à moteur central V8 – une formule qu’adopteront de nombreuses Ferrari à venir – et la première Ferrari carrossée par Bertone. Évidemment, Pininfarina n’apprécie guère le geste du Commendatore, mais n’y peut pas grand-chose.