La coïncidence était trop grande pour la laisser passer. En réalisant que deux clowns de sa connaissance étaient orphelins de père, Jean-François Nadeau a tout de suite senti qu’il y avait là matière à spectacle.

La chose est en effet étonnante. René Bazinet et David-Alexandre Després, deux clowns québécois ayant brillé notamment sous les chapiteaux du Cirque du Soleil, n’ont jamais connu leur père. Ou si peu. Une question est alors apparue dans le cerveau toujours fertile de Jean-François Nadeau : un acteur orphelin de père peut-il devenir autre chose qu’un clown ?

« La réponse est oui, évidemment, lance le dramaturge et metteur en scène du projet. Mais pour les besoins du spectacle, on a imaginé que non… » Clin d’œil au livre à succès du psychanalyste Guy Corneau, il a choisi d’intituler sa pièce Fils manqués ?

En discutant avec René Bazinet et David-Alexandre Després (DAD pour les intimes), force est de constater que l’absence de figure paternelle a ouvert la voie à leur carrière clownesque.

« J’ai toujours été maladroit en société », raconte le premier, né en Allemagne et ayant grandi auprès d’une mère barmaid. « J’ai été intimidé toute mon enfance. Ce n’est que lors de mes études au Québec, au collège John Abbott, que j’ai découvert que j’avais le pouvoir de toucher les gens, de les faire rire. » Ce pouvoir l’a mené d’abord à Paris, où il a fait du théâtre de rue après un passage à l’école de théâtre physique de Jacques Lecoq. Depuis, il a fait le tour du monde, notamment avec le spectacle Saltimbanco du Cirque du Soleil. « J’ai fait rire toutes les nationalités ! » Il a aussi enseigné l’art du clown à plusieurs acteurs d’ici.

PHOTO PATRICE LAMOUREUX, FOURNIE PAR LA LICORNE

René Bazinet (à gauche) et David-Alexandre Després ont brillé sous les chapiteaux du Cirque du Soleil.

David-Alexandre Després, de son côté, se souvient d’avoir toujours fait rire sa mère et ses tantes lorsqu’il était enfant. « Je ne voulais pas être comédien, mais pilote de course, se rappelle-t-il. Je compensais l’absence de père avec des rêves très masculins ! » Il a finalement abouti au Conservatoire d’art dramatique de Montréal, puis sur les scènes du monde avec Kurios et Drawn to Life du Cirque du Soleil. « Je suis devenu clown sans le vouloir », dit-il.

« Il y a chez René et DAD une faille créée par l’absence du père, estime Jean-François Nadeau. Ils ont en eux une souffrance de l’abandon et un désir de plaire dans un métier associé au divertissement. Mais ils portent aussi une culpabilité de n’avoir pas valu la peine… Ce qu’on fait ici est de l’ordre de l’exorcisme. »

Clown pour adulte

Comment transposer sur scène ces parcours atypiques, ces histoires intimes construites autour d’un trou laissé béant ? « Je voulais clairement sortir du théâtre documentaire », indique le metteur en scène. « On présente les vies sublimées de ces deux hommes. On est dans la vulnérabilité et dans l’honnêteté, mais pas forcément dans l’histoire véritable. »

J’avais aussi le désir de réhabiliter le clown pour adultes. Le clown est souvent associé à un art naïf et enfantin avec son nez rouge. Contrairement au bouffon, le clown ne se moque pas de tout. Il y a toujours une forme de mise à nu.

Jean-François Nadeau, dramaturge et metteur en scène

Jean-François Nadeau a voulu offrir aux deux interprètes une partition où les tares humaines auraient leur place. « J’ai beaucoup travaillé en improvisation avec eux. On a touché ensemble des zones de maladresses ou d’impudeur. Leur corps est vraiment le personnage principal de ce spectacle. » Il a donc saupoudré ici et là un peu de mime, du théâtre physique, du texte, de la musique et quelques perles tirées de Père manquant, fils manqué de Corneau.

Une chorégraphie clownesque, en quelque sorte ? « Plus une cœur-égraphie », nuance David-Alexandre Després.

PHOTO PATRICE LAMOUREUX, FOURNIE PAR LA LICORNE

Les deux interprètes ont beaucoup travaillé par improvisation pour l’élaboration de ce spectacle.

Ces artistes habitués à présenter 10 spectacles par semaine devant des milliers de personnes vont se retrouver dans l’intimité de La Petite Licorne, une salle d’à peine 100 places. « Jouer devant 3000 personnes ne m’intimide pas, lance Davis-Alexandre Després. Mais là, je retrouve une forme d’intimité que je dois réapprivoiser. Surtout que je reviens faire du théâtre à Montréal après un détour de six ans. »

Or, l’intimité sous toutes ses formes est difficile à appréhender pour ces deux clowns orphelins. « Je ne sais pas ce que c’est qu’être un homme, car je n’ai pas eu de père, explique René Bazinet. Pour moi, l’intimité, c’est effrayant. Ce sera un challenge de me retrouver si près du public… »

Jean-François Nadeau conclut : « Ça prend de la patience pour diriger des clowns ! Surtout lorsqu’ils sont des virtuoses comme ces deux-là. Ce sont vraiment des interprètes au talent physique comique hors du commun… »

Fils manqués ? est présenté du 2 au 19 avril à La Petite Licorne.

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Aussi à l’affiche

Les producteurs

PHOTO ANNIE DIOTTE, FOURNIE PAR MUSICOR SPECTACLES

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Après l’avoir défendu avec succès à Paris durant deux ans, le comédien Serge Postigo reprend au Québec le personnage de Max Bialystock, dans la populaire comédie musicale Les producteurs. Il est entouré sur scène de Tommy Joubert (Leopold Bloom) et de l’interprète française Marianne Orlowski (Ulla Inga Hansen), entre autres, dans la production regroupant 24 artistes, dont 6 musiciens. Postigo signe aussi la mise en scène, la traduction et l’adaptation de cette nouvelle version québécoise du chef-d’œuvre de Mel Brooks. L’œuvre créée à Broadway en 2001 demeure la comédie musicale la plus primée de l’histoire de Broadway, avec 12 prix Tony.

À l’Espace Saint-Denis, jusqu’au 14 avril ; puis au Capitole de Québec, dès le 27 juin

Luc Boulanger, La Presse

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Les aiguilles et l’opium

PHOTO TRISTRAM KENTON, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE LE DIAMANT

Les aiguilles et l’opium

L’acteur et metteur en scène Olivier Normand reprend ces jours-ci au Diamant le classique de Robert Lepage Les aiguilles et l’opium. Ce spectacle emblématique de l’œuvre de Robert Lepage, créé en 1991, a souvent été repris ; le metteur en scène en a fait une nouvelle mouture en 2015, pour Ex Machina. Ces dernières années, le comédien de Québec est devenu un acteur « lepagien ». Normand a pris le relais de Lepage avec la reprise de sa pièce Courville, au Théâtre du Nouveau Monde, en septembre dernier. Auparavant, il a revisité le solo de Lepage, le merveilleux Vinci, dans une nouvelle version présentée au Périscope en 2015. Olivier Normand a aussi été de la distribution du spectacle Jeux de cartes. Cœur, à la TOHU, à Montréal, en 2014.

Au Diamant, à Québec, du 4 au 14 avril

Luc Boulanger, La Presse

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Les Autochtoneries d’Aux Écuries !

PATRICK SIMARD, FOURNIE PAR LES PRODUCTIONS MENUENTAKUAN

Mashinikan dans le cadre des Autochtoneries d’Aux Écuries

Le festival Les Autochtoneries se tiendra du 11 au 21 avril au Théâtre Aux Écuries. Ce festival permet de faire découvrir cinq œuvres soulignant la vivacité et la diversité de l’art théâtral autochtone. « Cette programmation représente ce que nous sommes comme compagnie de théâtre », rappelle Marco Collin, codirecteur artistique des Productions Menuentakuan. La compagnie réunit un Wendat (Charles Bender), un Innu (Collin) et un allochtone (Xavier Huard). Les codirecteurs aiment « bousculer les règles et les a priori, jusqu’à inverser les rôles et mélanger les identités dans les différents spectacles qu’ils ont créés depuis leur fondation il y a dix ans ». D’où le nom « Autochtoneries », qui souligne « la singularité du festival en plus de l’autodérision et de leur esprit du collectif ».

Aux Écuries, du 11 au 21 avril

Luc Boulanger, La Presse

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Fifteen Dogs

PHOTO DAHLIA KATZ, FOURNIE PAR LA PRODUCTION CROW’S THEATRE

Fifteen Dogs, mettant en vedette Mirabelle Sundar Singh, sera présentée au Segal en avril.

Le Centre Segal présente une adaptation théâtrale du roman Fifteen Dogs d’André Alexis, lauréat du prix Giller en 2015. Fifteen Dogs raconte l’histoire de 15 chiens à qui les dieux Hermès et Apollon ont accordé une conscience humaine. Alors que les chiens naviguent dans les complexités de la pensée et de l’émotion, ils doivent faire face à des questions de moralité, de mortalité et de relations avec les humains. Il s’agit d’une production du Crow’s Theatre de Toronto, mise en scène par Marie Farsi. La distribution met en vedette Mirabelle Sundar Singh et Amy Rutherford, entre autres.

Au Centre Segal, jusqu’au 21 avril

Luc Boulanger, La Presse

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Cutting Through the Noise

PHOTO JONATHAN GOULET, FOURNIE PAR L’AGORA DE LA DANSE

Cutting Through the Noise

Le chorégraphe Alexandre Morin commence à faire sa marque dans le paysage de la danse montréalaise et québécoise avec sa compagnie Other Animals, cofondée avec l’artiste sonore et visuel Jonathan Goulet. Après s’être fait remarquer l’an dernier à l’Agora de la danse avec Anatomie d’un moteur, il est de retour avec Cutting Through the Noise, une création pour 11 interprètes. Décrite comme un « parcours énergétique », la pièce prend la forme d’une quête identitaire dans un monde dominé par les écrans, où la force du collectif, l’exaltation procurée par le corps et la musique deviennent des solutions à la solitude et à l’isolement.

À l’Agora de la danse, du 4 au 6 avril

Iris Gagnon-Paradis, La Presse

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