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Elle s’est inscrite à un cours optionnel d’interprétation théâtrale au milieu de son cursus universitaire en gestion à l’Université d’Ottawa. « Je pensais avoir une bonne note facilement ! » Mais Stephie Mazunya a gagné plus qu’un A : elle a vécu un réel coup de foudre qui a changé sa vie.

« J’ai tellement aimé ce cours que j’ai quitté la gestion pour faire une mineure en art dramatique ! », lance la jeune femme. Originaire du Burundi, celle qui a émigré à Ottawa à l’âge de 14 ans a suivi sa passion jusqu’à Montréal, où elle a terminé en 2019 ses études à l’École nationale de théâtre (ENT) du Canada.

Qu’ont pensé son père professeur de littérature française et sa mère sociologue de ce changement d’orientation pour le moins radical ? « Ils m’ont soutenue, mais l’instabilité du métier les inquiète encore… »

Après un passage doux-amer sur les bancs de l’ENT – où son accent pas assez québécois au goût de certains lui a valu quelques commentaires « à la limite racistes » de la part de ses pairs –, elle a multiplié les projets avec des metteurs en scène de renom. Denis Marleau dans Soifs Matériaux. Solène Paré dans Les louves. Sophie Cadieux dans Nassara.

Elle s’apprête maintenant à porter sur ses épaules le rôle central de corde. raide, une pièce signée par debbie tucker green, traduite par Fanny Britt et présentée à Espace Go.

La prémisse du texte de la Britannique d’origine jamaïcaine donne froid dans le dos. Dans un avenir proche jamais identifié, les processus juridiques ont changé pour les victimes d’actes violents. Ce sont désormais ces dernières qui choisissent le châtiment de leur agresseur…

« Mon personnage est victime d’un crime atroce, mais la procédure pour choisir le châtiment est aussi très violente pour cette femme. Le texte fait ressortir la violence quotidienne que vivent les personnes racisées, en particulier les femmes noires, et s’interroge sur la place qu’on leur donne dans notre société. C’est une dystopie, mais les enjeux sont très actuels. »

debbie tucker green a écrit ce texte à la suite de la privatisation des prisons en Angleterre. Elle s’est demandé jusqu’où cette logique pouvait mener.

Stephie Mazunya

Lors de la première lecture de la pièce, Stephie Mazunya a été soufflée par l’écriture dramatique de la Britannique. « Son écriture est très percutante ; le rythme est très important et les silences aussi. Elle aborde des enjeux très politiques avec beaucoup de finesse, sans jamais être frontale. C’est le genre de texte auquel on réfléchit longtemps après le spectacle. Je veux être à la hauteur de ce personnage, lui donner toutes les nuances qu’il mérite. »

Parallèles

L’interprète de 30 ans admet avoir fait des parallèles entre ce que vit son personnage et ce qu’elle vit elle-même au quotidien. « Ce ne sont pas des choses aussi graves que dans la pièce. Les paroles blessantes s’expliquent souvent par une certaine ignorance, mais la répétition de cette ignorance finit par devenir violente. »

Stephie Mazunya est « honorée » de prêter sa voix à ce personnage, comme elle se réjouit de travailler avec la metteure en scène Alexia Bürger sur ce projet. « C’est une femme d’une grande sensibilité. » Elle est aussi très heureuse de partager la scène avec Eve Landry et Patrice Dubois, « deux interprètes en pleine maîtrise de leur art ».

C’est important pour moi de sentir que ma voix est importante en salle de répétition. J’aime partager ma vision des choses. Depuis mon passage à l’École nationale, je me suis beaucoup intéressée à divers enjeux sociaux…

Stephie Mazunya

Elle a aussi trouvé une autre façon de faire entendre sa voix : celle de l’écriture. En avril prochain, sa pièce S’enjailler sera présentée à la salle Jean-Claude Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. « S’enjailler signifie s’éclater en argot ivoirien. J’ai voulu représenter des femmes noires dans un contexte plus léger. J’avais envie qu’on existe en dehors des traumas. Mes personnages sont des millénariales, des universitaires, qui sortent, qui parlent de leurs relations amoureuses. La pièce est aussi une façon de me réapproprier la langue des jeunes de Montréal ! »

Stephie Mazunya a bien l’intention de poursuivre de front sa carrière d’interprète et de dramaturge. « Écrire me permet de m’exprimer complètement en tant qu’artiste. Représenter les diverses communautés au théâtre permet au public d’accéder à quelque chose d’intime. Le spectateur peut comprendre toutes les subtilités et ainsi mieux nous connaître… »

La pièce corde. raide est présentée du 19 septembre au 15 octobre à Espace Go.

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À suivre

Providencia

PHOTO KEVIN CALIXTE, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE AUX ÉCURIES

Emmanuelle Lussier-Martinez (au centre) fait partie de la distribution de Providencia.

Une famille colombienne pour le moins excentrique est au cœur de cette comédie signée Mariana Tayler qui ouvre la saison Aux Écuries. Inspirée d’un fait vécu dans sa famille dispersée aux quatre coins du monde, Providencia raconte les étonnantes (et festives) funérailles de la matriarche disparue à l’aube de ses 80 ans. L’évènement réunit à Boston le clan, dont Adriana, carriériste au bord de l’épuisement professionnel, interprétée par Emmanuelle Lussier-Martinez. Un texte empreint de réalisme magique mis en scène par Marie Farsi.

Du 19 au 30 septembre, Aux Écuries

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Lau

PHOTO KELLY JACOB, FOURNIE PAR DUCEPPE

Marie Bernier interprète le personnage-titre de la pièce Lau.

Les coulisses du Théâtre Duceppe accueillent en formule 5 à 7 la courte pièce Lau, de Marie-Pier Audet. On y fait la rencontre de Laura, une trentenaire à la dérive qui décide de consulter une voyante prénommée Jocelyne dans l’espoir de trouver réponse aux nombreuses questions qui la tenaillent. De la perte de sa mère alors qu’elle était enfant à l’amoureux qui vient de foutre le camp, Laura cherche à recoller les morceaux épars de sa vie. Un monologue porté par Marie Bernier (appuyée par Catherine Viau), mis en scène par Frédéric Blanchette.

Du 12 au 29 septembre chez Duceppe

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Pièce pour les vivant.e.x.s en temps d’extinction

PHOTO RICHMOND LAM, FOURNIE PAR LA LICORNE

Fabiola Nyrva Aladin sera seule sur scène dans Pièce pour les vivant.e.x.s en temps d’extinction.

Soir de représentation théâtrale. Les interprètes ne pouvant se présenter sur scène, la dramaturge les remplace au pied levé, offrant au public une « rapide histoire entière de la planète ». Entre extinctions de masse et crise climatique, elle s’interroge avec beaucoup d’espoir sur l’humanité et son avenir. Ce texte solo, écrit par l’Américaine Miranda Rose Hall et mis en scène par Rose Plotek, est porté sur scène par Fabiola Nyrva Aladin.

À la salle intime du Théâtre La Licorne, du 18 septembre au 6 octobre

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Avant l’heure mauve

PHOTO MAUDE BÉGIN-ROBITAILLE, FOURNIE PAR LE PÉRISCOPE

Avant l’heure mauve utilise les codes du western pour aborder des questions féministes.

Maude Bégin-Robitaille signe le texte de cette création où il est question de féminisme sur fond de western. Dans ce huis clos tendu planté dans un ranch au milieu du désert, six personnages féminins aux voix puissantes se font entendre. Une rage brûle en elles contre cet univers qui leur impose des codes sociaux sans se soucier de leurs désirs et de leurs ambitions. Un texte porté par sept interprètes, mis en scène par Marie-Hélène Lalande.

Du 19 septembre au 7 octobre au Théâtre Périscope à Québec

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