(Paris) Allure théâtrale, aisance verbale et engagement à la gauche de la gauche après une jeunesse maoïste, Gérard Miller, psychanalyste français vedette des plateaux télé depuis 25 ans, est aujourd’hui visé par des dizaines d’accusations de violences sexuelles qu’il conteste.

Après de premiers témoignages publiés fin janvier dans le magazine Elle, le psychanalyste de 75 ans est mis en cause par une cinquantaine de femmes, souvent bien plus jeunes que lui (et pour certaines alors mineures), pour des faits allant du comportement déplacé au viol.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire.

« Certain de n’avoir commis aucune infraction et prêt à répondre sur chacun des faits reprochés, je souhaite désormais réserver ma parole à l’institution judiciaire », a réagi M. Miller le 23 février dans une déclaration écrite.

Dans Elle, qui a publié de nouveaux témoignages jeudi, et Mediapart, certaines accusatrices assurent qu’il a utilisé l’hypnose pour les agresser dans son hôtel particulier parisien, ce qu’il dément.

Le visage émacié, la diction précieuse et les traits d’esprit cinglants de Gérard Miller sont connus du grand public depuis les années 1990-2000.

Compagnon de longue date d’une réalisatrice de 30 ans sa cadette, il a éclos médiatiquement sous l’aile d’animateurs de radio et de télévision célèbres, Laurent Ruquier et Michel Drucker, pour lesquels il a été chroniqueur.

« Dans le public »

Dans une enquête d’Envoyé spécial diffusée jeudi soir sur la chaîne publique France 2, des collaborateurs d’une émission assurent que Gérard Miller « faisait son marché dans le public » en y abordant des jeunes femmes.

À la radio France Inter dans les années 90, « on le chambrait souvent pour sa façon de repérer des jeunes filles dans le public et d’aller les brancher pendant les pauses », a écrit son amie chroniqueuse, la militante féministe Isabelle Alonso, début février sur son blogue.

« Il avait la réputation d’avoir une appétence marquée pour les jeunes femmes, mais aucune histoire sordide ne courait sur lui », raconte à l’AFP un journaliste qui l’a côtoyé au sein du Média et se dit « stupéfait » par les accusations.

Cette webtélé de gauche radicale a été créée en 2017 par M. Miller et l’actuelle députée Sophia Chikirou, une proche du leader du parti de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

M. Miller et Mme Chikirou se sont brouillés en 2018, sur fond de crise au Média.

Pour le journaliste qui l’y a côtoyé, M. Miller « est dans la vie comme à l’antenne, tout aussi théâtral ».

« Il donne des leçons de morale en permanence, ce qui peut être agaçant, mais son intelligence le sauve », poursuit-il, en décrivant un personnage « parfois cassant », marqué par « l’empreinte de 1968 et du gauchisme des années 70 ».

Soutien de M. Mélenchon depuis 2012, Gérard Miller fut militant communiste au milieu des années 60, avant de rejoindre les maoïstes de la Gauche prolétarienne.

Lacan

Fils de médecin, issu d’une famille de juifs polonais dont une partie est morte en déportation, il est le frère cadet d’un psychanalyste réputé, Jacques-Alain Miller.

Ce dernier est le gendre et l’exécuteur testamentaire du pape français de la psychanalyse, Jacques Lacan.

Gérard Miller « a toujours été regardé négativement par le milieu : sa carrière médiatique est, pour beaucoup de psychanalystes, tout à fait insupportable », assure à l’AFP Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse.

« Il se sert de la discipline pour interpréter, commenter la politique par exemple », dénonce-t-elle.

Mme Roudinesco a gagné en appel en 2014 un procès pour diffamation que lui avait intenté Judith Miller, fille de Lacan et épouse de Jacques-Alain Miller.

La mise en cause de Gérard Miller pour violences sexuelles est liée à celle du réalisateur français Benoît Jacquot par l’actrice Judith Godrèche, qui était la compagne de ce dernier alors qu’elle n’avait que 14 ans.

Les premières accusations contre le psy ont en effet éclaté après qu’a resurgi un documentaire qu’il avait réalisé en 2011 sur M. Jacquot. Le cinéaste lui confiait alors que « le cinéma était une sorte de couverture » pour des relations avec des mineures.