Dans une décision rendue lundi, l’ombudsman de Radio-Canada, Pierre Champoux, conclut que le diffuseur public a enfreint ses normes et pratiques journalistiques « en ne prévenant pas les téléspectateurs d’erreurs de fait et en ne précisant pas » que La parfaite victime est un « documentaire d’opinion ».

Le 6 janvier dernier, MMichel LeBrun, président de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense, a déposé une plainte au nom de trois autres associations d’avocates et avocats de la défense, au sujet de la présentation sur les ondes d’ICI Télé le 7 décembre 2021 de La parfaite victime. La même plainte avait été déposée le 4 janvier, mais avait été rejetée par l’ombudsman puisque le documentaire n’avait pas encore été diffusé.

Pierre Champoux rappelle que, puisque La parfaite victime n’est pas un reportage ni une production de Radio-Canada, il n’a « pas à respecter les principes d’impartialité et d’intégrité qui constituent deux des cinq socles » des normes et pratiques journalistiques. Radio-Canada aurait dû cependant préciser aux téléspectateurs qu’il s’agit d’un documentaire d’opinion. « Le fait d’appliquer ce label à un documentaire n’est pas une tare. C’est plutôt un gage d’honnêteté et de transparence envers l’auditoire, surtout dans un contexte où l’opinion et l’information impartiale sont trop souvent confondues par les citoyens. »

Il aurait aussi dû signaler à l’auditoire qu’entre la sortie du film en salle en juin 2021, et sa diffusion sur ICI Télé, certaines inexactitudes ont été portées à l’attention des réalisatrices, Monic Néron et Émilie Perreault.

Le documentaire affirme que seulement deux plaintes sur dix plaintes reçues par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sont accueillies par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Un chiffre contredit par le DPCP, selon qui il s’agit plutôt de sept plaintes sur dix.

« Au lendemain de la première médiatique, le DPCP a trouvé l’énergie de faire ce calcul qu’on demandait depuis si longtemps », ont écrit Monic Néron et Émilie Perreault dans une réplique publiée dans La Presse le 5 juillet. « Tant mieux et enfin. Vivement plus de transparence, le public en sort gagnant. Et si on ramenait maintenant le débat sur le fond, à l’image des discussions animées, enrichissantes et remplies d’espoir qui suivent les projections du film ? »

Un autre segment du film, dans lequel l’avocat criminaliste Patrick Davis affirme n’avoir jamais perdu une cause d’agression sexuelle, avait fait sourciller. « Une simple recherche sur l’internet permet de constater que cette affirmation est fausse, écrit MLebrun. J’ai moi-même recensé quatre décisions publiées dans lesquelles des accusations d’agressions sexuelles ont été retenues malgré les représentations contraires de MDavis. »

MLebrun dénonce aussi la présence, dans le film, de l’ex-avocat Claude F. Archambault, en rappelant qu’il a été « radié du barreau depuis plus de dix ans pour de multiples infractions reliées à la malhonnêteté ». Sa présence dans le documentaire ne représente toutefois pas « une raison suffisante pour ne pas diffuser le documentaire », conclut l’ombudsman sur ce point.

« La parfaite victime étant disponible pour visionnement sur ICI TOU. TV, il est encore temps d’ajouter un correctif sur la page, à l’intention des futurs auditoires », précise-t-il. « J’estime que, malgré ces imperfections, La parfaite victime est un documentaire dont la diffusion sert l’intérêt public en exposant les grandes difficultés vécues par des victimes d’agressions sexuelles, tout en offrant une lueur d’espoir. Sans être au-dessus de tout reproche, le traitement fait réagir, remue et émeut. »

De son côté, le vice-président principal des Services français de CBC/Radio-Canada, Michel Bissonnette, a reconnu que La parfaite victime « n’est pas sans faille », mais il a maintenu, lui aussi, que le film « a permis de lancer une discussion importante ».

Lisez la chronique d’Yves Boisvert sur le sujet