Programme de tout repos, c'est-à-dire du déjà-entendu à satiété, cette semaine encore, à l'enseigne Nagano-OSM. Un seul élément justifiait le déplacement: on allait entendre une nouvelle voix dans les Vier letzte Lieder de Strauss. Hélas! Miah Persson, soprano suédoise de 45 ans, est une déception à peu près totale.

On cherche en vain une présence, une personnalité, une interprétation digne de ce nom. Pis encore: la voix est ordinaire, chevrotante à l'aigu, et si petite que, même dans les passages où l'orchestre reste discret, elle peine à rejoindre la dernière rangée de la corbeille. Deux ou trois phrases sont correctement rendues: quelques minutes dans un pensum qui en fait 20.

Enregistré pour la télévision, le concert est accompagné des mouvements d'une gigantesque grue qui, à un moment donné, vient bien près de heurter la tête d'un violoniste. Avant le concert, une voix au micro demande «le silence autant que possible». Et silence il y a, sauf, comme il fallait s'y attendre, quelques toux et... un lointain téléphone cellulaire entre les deux mouvements de l'Inachevée de Schubert. En passant, la page-programme n'indique pas que l'oeuvre fait deux mouvements.

Le Prélude de Tristan und Isolde ouvre le concert. Sans doute parce que la télévision est là et que le message s'adresse au monde entier, Nagano arrache à la phalange des cordes une puissance et une opulence qu'elles n'ont habituellement pas. Conclusion: faire venir la télévision à tous les concerts!

Wagner indique son Prélude «langsam und schmachtend», c'est-à-dire lent et languissant, et Nagano n'hésite pas à le traduire ainsi. On avait d'abord regretté que la soliste ne figure pas dans le Liebestod. Dieu soit loué: après avoir entendu son Strauss, on remercie Nagano d'avoir préféré la version sans voix.

Pour Verklärte Nacht, c'est, bien sûr, la grande orchestration de Schoenberg qu'on entend. Toutes (ou presque toutes) les cordes de l'OSM sont là, et les cordes seulement, ce qui exige après le Wagner un réaménagement scénique qui dure une éternité. La partition indique 27 minutes, la page-programme en annonce 30 et Nagano étire le tout à 33. Le discours traîne un peu, en effet, mais la masse des cordes enveloppe toute la salle, avec ici et là des raffinements isolés qui nous rappellent que la version originale pour six instruments est encore la plus convaincante.

Le Schubert déjà mentionné est bien senti, impeccable aussi, malgré deux petits tremblements du côté des cors.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Miah Persson, soprano. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Séries Grands Concerts.

Programme:

Prélude et Liebestod de l'opéra Tristan und Isolde (1865) - Wagner

Verklärte Nacht, op. 4 (1899, orchestration: 1943) - Schoenberg

Symphonie no 8, en si mineur, D. 759 (Inachevée) (1822) - Schubert

Vier letzte Lieder, pour soprano et orchestre (1948) - Strauss