L'OSM devra peut-être tenir à distance le Toronto Symphony et son chef Peter Oundjian, qu'il a invités régulièrement en 10 ans d'association de la formation ontarienne avec cet ex-violoniste. Pourquoi? Parce que le tandem Oundjian-TS risque fort de porter finalement ombrage au tandem Nagano-OSM.

Sur le plan technique, les deux orchestres ont maintenant atteint le même très haut niveau, nonobstant de minimes variantes: bois plus personnalisés à l'OSM, cuivres plus fermes au TS. En revanche, les visites de l'équipe torontoise ont découvert un orchestre qui, d'abord correct mais terne, n'a jamais cessé de s'épanouir et de s'imposer au contact de ce chef qui, lui-même, et à partir de presque rien, a constamment évolué comme interprète.

Ce que Peter Oundjian et le Toronto Symphony ont offert aux Montréalais dans le spectaculaire poème symphonique Ein Heldenleben de Strauss rejoint, surpasse même, nos plus vifs souvenirs de cette Vie de héros autobiographique et donc, à l'image de son auteur, narcissique et grandiloquente, mobilisant un orchestre augmenté à plus de 100 musiciens, et génialement instrumentée.

L'expérience nous permet même de douter que notre tandem local puisse jamais atteindre la puissance absolument dévastatrice, digne d'un film de guerre, de ces percussions et cuivres chauffés à blanc dans le combat du héros contre ses adversaires. Et l'auteur de ces lignes n'a jamais entendu, au concert ou au disque, une sensualité féline égale à celle du violon de Jonathan Crow (un ancien de l'OSM) incarnant presque indécemment la compagne du héros!

Il est clair que Oundjian a travaillé son Heldenleben dans le détail. Quelques très légères bavures des cuivres ne sont rien. Sa vision de cette fresque colossale est vaste et nuancée, et le repos du héros, après 46 minutes de hauts et de bas, est suivi d'un long silence... et d'une bruyante ovation à laquelle se mêlaient plusieurs musiciens de l'OSM présents au concert.

Ce Heldenleben à inscrire aux annales éclipse tout ce qui précédait, y compris le Mozart très en place mais hélas! peu inspiré d'un Richard Goode confondant sobriété et insignifiance. Le pianiste américain a choisi le K. 453, qui n'est pas le plus grand du corpus. Il joue toutes les notes. Il a d'abord tendance à presser mais se ravise bientôt. Il attend le dernier mouvement pour improviser un ou deux minuscules ornements. Il choisit les cadences de Mozart. L'orchestre réduit le suit bien. Une partie de la salle applaudit après le premier mouvement. Rien d'autre à signaler.

Et rien à dire sur la «pièce nouvelle», dont le seul mérite est de faire sonner l'orchestre et de ne durer que six minutes.

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TORONTO SYMPHONY ORCHESTRA. Chef d'orchestre: Peter Oundjian. Soliste: Richard Goode, pianiste. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation: OSM, série «Grands Concerts».

Programme:

Aqua (2012) - Fung

Concerto pour piano et orchestre no 17, en sol majeur, K. 453 (1784) - Mozart

Ein Heldenleben, poème symphonique, op. 40 (1899) - Strauss