Le Quatuor à cordes Pacifica, formé en 1994 sur la Côte Ouest américaine, se produisit pour la première fois ici au printemps 2012: d'abord au LMMC, ensuite au festival de Denis Brott. Déception les deux fois, surtout en ce qui concerne son concert de débuts au LMMC. On s'étonnait donc de l'y retrouver moins de deux ans plus tard.

En fait, le Pacifica ouvrait la 122e saison du Club dimanche après-midi. Belle surprise: son concert fut digne de l'événement. Le programme n'était pas de la plus grande originalité, mais sa composition l'était jusqu'à un certain point. Commencer par Ravel et non par les habituels Haydn ou Mozart était un choix presque audacieux. Poursuivre avec Chostakovitch créait un frappant contraste. Autre belle idée: consacrer l'après-entracte à l'un des prophétiques derniers Quatuors de Beethoven et, mieux encore, jouer l'op. 130 dans sa version originale, c'est-à-dire celle qui contient la colossale fugue finale que le compositeur isola par la suite pour en faire, sous le titre Grande Fugue, son 17e Quatuor, op. 133.

L'unique Quatuor de Ravel est l'une des oeuvres de musique de chambre qui se prêtent le mieux aux subtils jeux de sonorité et de tempo. Il était clair, à l'audition, que le Pacifica avait travaillé la partition dans ses moindres détails. Trémolos, pizzicatos, longues phrases jouées avec les sourdines, minimes variantes dans le discours: tout fut traduit avec une scrupuleuse fidélité. Au troisième mouvement, marqué «Très lent», les profondes sonorités entendues semblaient venir de l'âme. Les quatre archets entrèrent ensuite en conflit et le demeurèrent pendant tout le finale, indiqué «Vif et agité».

Revenant ensuite à Chostakovitch, dont il a donné l'intégrale des 15 Quatuors au disque et au concert (chez Brott, précisément), le Pacifica avait choisi le septième, le plus court (12 minutes) du corpus. Cette fois, la noirceur du son n'est pas extérieure, comme chez Ravel, mais devient l'expression d'une véritable tristesse: celle du compositeur, qui évoque ici le souvenir de sa première femme... et qui demande d'enchaîner les trois courts mouvements, ce qu'a fait le Pacifica.

Le Beethoven d'après-entracte totalise 46 minutes. Bien que l'exécution du Pacifica ne soit pas d'une absolue précision - légers écarts de justesse chez le premier-violon, petits flottements au sein des quatre instruments - , l'ensemble se tient sur le plan technique et, surtout, comme réalisation musicale et expressive. La concentration des musiciens est totale et gagne la salle entière, culminant dans une Grande Fugue où les voix surgissent aux quatre archets dans un élan de modernité qui étonne encore aujourd'hui.

Nous étions comblés. Il n'y avait rien à ajouter et, bien inspiré, le Pacifica accepta l'ovation générale sans donner de rappel.

QUATUOR À CORDES PACIFICA

Simin Ganatra et Sibbi Bernhardsson (violons), Masumi Per Rostad (alto) et Brandon Vamos (violoncelle).

Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club.

PROGRAMME:

Quatuor en fa majeur (1903) - Ravel

Quatuor no 7, en fa dièse mineur, op. 108 (1960) - Chostakovitch

Quatuor no 13, en si bémol majeur, op. 130 (version originale) (1825) - Beethoven