Même s'il en a eu l'idée, la Virée classique de l'an dernier a agréablement surpris Kent Nagano. Sur papier, ce marathon de 20 concerts de 45 minutes en une journée s'inscrivait tout naturellement dans l'esprit festivalier de Montréal, mais le maestro a été frappé par l'intensité, l'énergie et la joie des 10 000 participants.

LA CROISSANCE

Cette année, la Virée s'étale sur deux jours, vendredi soir et samedi toute la journée, passe de 20 à 30 concerts et occupe un quatrième lieu, la salle Beverley Webster Rolph du Musée d'art contemporain. Kent Nagano parle d'une croissance organique.

«Les artistes savent trop bien que plus ne signifie pas nécessairement mieux. Il faut rester centrés sur la qualité. C'est trop facile de faire plus de choses, mais il y a souvent un prix à payer. Ce qui distingue la Virée classique des mégafestivals de musique classique dans le monde, c'est l'esprit de découverte sans compromis de Montréal. Quand on grandit trop rapidement, on risque de perdre cette particularité qui peut être difficile à retrouver par la suite. On a voulu inscrire la Virée classique dans la lignée des autres festivals montréalais en faisant un programme d'activités gratuites (ateliers, démonstrations d'instruments, rencontres) qui colle à Montréal pour en faire une fête comme on n'en trouve pas ailleurs.»

DES MAÎTRES DE TOUS LES ÂGES

Cette année, la Virée classique veut également faire le pont entre deux ou plusieurs générations de grands musiciens. «Le stéréotype du grand maître est un musicien aux cheveux gris qui a beaucoup d'expérience, un professeur, mais il y a aussi de jeunes maîtres comme l'ont été les jeunes Evgeny Kissin et Yehudi Menuhin. Ainsi on a invité de très jeunes artistes comme Hyeyoon Park et Kit Armstrong, des personnages extraordinaires. Kit Armstrong, protégé d'Alfred Brendel, a obtenu son diplôme universitaire à 16 ans, c'est une sorte de génie. On va voir ce pianiste en solo, bien sûr, mais il va également jouer du Mozart en duo avec maître Menahem Pressler, qui aura 90 ans cette année. Ils n'ont jamais joué ensemble et ça va se passer à Montréal! Quant à Mme Park, une jeune violoniste virtuose dont tout le monde parle, elle va jouer avec le grand maître du violon Augustin Dumay.»

Autre nouveauté, cette deuxième Virée aura son artiste en résidence, le clarinettiste Jörg Widmann. «Jörg est un genre de petit Mozart qui a émergé vers l'âge de 14 ou 15 ans quand il a écrit son premier opéra, rappelle Kent Nagano dans un large sourire. Il va jouer le Concerto de clarinette de Mozart et de la musique de chambre avec nos musiciens de l'OSM, on va jouer ses compositions et, en plus, il va faire des allocutions.»

LE MARATHON

La Virée classique est un marathon pour les musiciens de l'OSM qui se scinde en deux pour participer à plus de concerts. «Nous, les musiciens, on se partage les concerts. C'est plus fou pour le maestro qui, lui, est de presque tous les concerts», nous a dit la violoniste de l'OSM Marianne Dugal. Le chef rappelle en souriant que ce n'est pas plus exigeant physiquement pour lui que de diriger Götterdämmerung de Wagner pendant près de sept heures, comme il l'a fait récemment à Munich. «C'est normal pour moi. Mais je suis très content de ne pas avoir à faire les horaires de répétition. Ça, c'est du travail!»

MOZART

L'oeuvre de Mozart est au coeur de la programmation de la Virée classique cette année. «On a voulu une thématique, mais pas trop rigide, explique Kent Nagano. On examine également l'époque de Mozart ainsi que les compositeurs juste avant ou après lui: Bach, Mendelssohn, Rossini, Beethoven... J'ai même voulu collaborer avec un chef cuisinier pour mener une recherche sur ce que mangeait Mozart et l'offrir au festival. C'était impossible cette année, mais c'est le genre de chose qu'on peut faire dans le contexte de la Virée classique à l'avenir.»

SON AVENIR À MONTRÉAL

Kent Nagano vient de terminer son mandat à la direction de l'Opéra d'État de Bavière, le 31 juillet, par «une soirée inoubliable» au cours de laquelle il a dirigé le Parsifal de Wagner, créé par ce même orchestre au XIXe siècle. Il entreprendra bientôt un nouveau mandat comme conseiller artistique de l'Orchestre de Göteborg, en Suède. «Je ne suis pas là comme directeur musical parce que c'est difficile pour moi d'avoir cette responsabilité dans deux orchestres symphoniques à la fois. Mais un opéra et un orchestre, je trouve ça plutôt bien.»

Avant de diriger l'Opéra de Hambourg à compter de la saison 2015-2016, il profitera d'une «pause» qui lui donnera plus de «flexibilité» pour se consacrer à son orchestre montréalais, convient-il. Sur son avenir à la tête de l'OSM - son contrat prendra fin après la saison 2015-2016 -, il demeure très évasif, et ce, même s'il concède que, dans le milieu, ce genre de décision se prend des années à l'avance: «À Hambourg, on est déjà en train de faire la planification pour 2018, c'est fou!»

Sur sa relation avec l'OSM, donc, il ajoute: «Philosophiquement, je ne vois pas pourquoi il faudrait fermer une porte si ce n'est pas nécessaire. Au contraire, il faut laisser la porte ouverte pour que les choses puissent progresser de façon organique.»

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La Virée classique, les 16 et 17 août à la Maison symphonique, la Cinquième Salle et le Studio-Théâtre de la Place des Arts et à la salle Beverley Webster Rolph du Musée d'art contemporain. Info: vireeclassique.osm.ca



LEUR OEUVRE PRÉFÉRÉE DE MOZART

KENT NAGANO


«C'est très difficile. Comme pianiste, je choisirais certainement un des concertos, tous sublimes, qui sont l'expression d'un génie inégalé à ce jour. Mais comme chef d'orchestre, j'opte pour une des symphonies. La symphonie Jupiter est une de mes préférées: tout ce qu'on y entend a déjà été fait, mais de tous ces éléments déjà connus, il tire quelque chose de complètement nouveau. Du génie à l'état pur.»

MARIANNE DUGAL



«C'est comme demander à une mère quel est son enfant préféré... Mais je dois dire que la musique vocale de Mozart - à la Virée classique, ça va être le Requiem -, il n'y a rien comme ça. C'est d'une indicible beauté, chaque fois, ça me coupe le souffle. On s'est fait une première lecture, seulement l'orchestre, et ça pourrait être une suite de mouvements, sans soliste, tellement la musique est belle.»

ALEXANDRE DA COSTA

«Je joue beaucoup les concertos de Mozart pour violon et orchestre. Il y a aussi la Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre que je trouve absolument merveilleuse. Le deuxième mouvement, c'est une des plus belles oeuvres jamais composées pour des instruments à cordes.»