Bryan Perro a passé un beau week-end à la Maison symphonique. «Je ne me sens pas dépaysé pantoute ici: les murs sont en pré-fini, comme dans le sous-sol de mon grand-père...»

Vendredi soir et samedi, pour deux représentations, l'auteur de la série fantastique Amos Daragon était l'invité de Kent Nagano pour ce conte de Noël de l'OSM, où récit et musique se sont déployés en une heureuse alternance, l'un et l'autre suivant sa propre voie, sur un chemin commun de plaisir partagé.

Comme il nous l'avait expliqué la semaine dernière dans ces pages, Perro a construit son texte de manière à «lancer» la musique. Avec, au début, l'aide de son grand-père qui, comme le veut la tradition familiale, a légué à son petit-fils ce rossignol, instrument de musique fait du bois du premier sapin planté en Nouvelle-France. Où ça donc? À Shawinigan, voyons...

Et Bryan Perro, un «rossignol» de 100 kilos, d'appeler des renforts pour La Symphonie des jouets de Léopold Mozart, le père de Wolfgang Amadeus - «le Gregory Charles de Vienne»... - qui, comme tout le monde sait, a lui-même écrit de grandes symphonies à la gloire de la Cité de l'énergie. L'OSM a interprété ce classique de Noël, accompagné d'une vingtaine d'enfants du Garage à musique du Dr Julien, ainsi que leurs moniteurs des sections de rossignols, de tambours, de crécelles et de triangles. Sympa.

Souriant et attentif, Kent Nagano prenait réel plaisir à la chose, comme beaucoup de ses musiciens, dont certains arboraient même la tuque de Noël, deux contrebassistes ayant choisi pour leur part d'en coiffer leur instrument. Après l'Ouverture miniature de Casse-Noisette, l'Orchestre a enchaîné avec une deuxième pièce du ballet de Tchaïkovski, que présentait au même moment les Grands Ballets canadiens à la salle Wilfrid-Pelletier. Avec Trepak - La danse russe, l'OSM s'est envolé comme le traîneau du père Noël dans le ciel du pôle Nord. Entraînant ainsi la foule, dont plusieurs étaient venus «voir Brian», visiter la Maison symphonique, ou encore entendre l'OSM pour la première fois.

Comme aurait dit pépère Perro, la magie de Noël a commencé «drette là», juste avant que Bryan n'entre dans le vif de son conte mauricien mettant en scène les bûcherons fédéralistes de Saint-Jean-des-Piles et les draveurs souverainistes des Grandes Piles, de l'autre bord de la rivière Saint-Maurice. Cette même rivière qui a vu flotter des millions de pitounes de quatre pieds, pis des billots «d'douze» pieds. Le public a apprécié la bataille de «tapeux de pieds» entre Michel Bordeleau et Alain Lamontagne , le représentant des fédéralistes l'emportant 51-49...

Le malheur, alors, est apparu côté cour, sous le visage mugissant du diable en personne: Denis Bouchard. Shhhhhh! Voilà la Danse macabre de Saint-Saëns, avec le vibrant apport du violon solo Andrew Wan. L'ange déchu promet l'or d'un bord et l'argent de l'autre, et Nagano enchaîne avec l'Automne des saisons de Glazounov, connu en nos contrées comme «la musique de Séraphin», l'avare d'Un homme et son péché (de Claude-Henri Grignon).

La chicane repogne aux Piles, où deux enfants emporteront au fond du Saint-Maurice le rêve de paix entre leurs deux villages. On les retrouvera, enlacés dans un bloc de glace, quand la rivière sera «dépitounée» à la fin du 20e siècle.

L'histoire se termine au son du Reel de Pointe-au-Pic, avec des orchestrations de Jean-Fernand Girard, qui lancent l'orchestre loin dans le blues. Le violoneux Michel Bordeleau, Nagano et l'OSM «swignent la bacaisse» comme c'est pas possible et tout le monde sort de la Maison à court de mots, sinon pour dire que «c'était beau». Un bonheur simple de Noël.