On connaît le violoncelliste français Philippe Muller principalement comme professeur invité dans nos centres d'été, notamment au Domaine Forget. Ancien élève d'André Navarra, le pédagogue de 66 ans a aussi formé plusieurs jeunes représentants de l'école française de violoncelle: Emmanuelle Bertrand, Xavier Phillips, Marc Coppey, Anne Gastinel et le plus célèbre de tous, Gautier Capuçon.

La Fondation Arte Musica le présentait cette semaine en deux programmes de musique de chambre, à la salle Bourgie. Le plus intéressant était le second, constitué de musique française peu jouée ou même totalement inconnue. En fait, le seul titre familier était la Sonate de Poulenc.

Avec Jean Marchand au piano, l'invité joua d'abord la Sonate op. 46 de Gabriel Pierné, datée de 1922, en fa dièse mineur et en un seul mouvement - «en une partie», dit la partition - faisant 20 minutes. Élève de Massenet en composition et de Franck en orgue, Pierné laissa aussi un nom comme chef d'orchestre, ne serait-ce que pour avoir dirigé la création de L'Oiseau de feu, l'oeuvre qui, en 1910, révéla Stravinsky au monde entier.

Pierné propose ici une sorte de jeu intellectuel entre le violoncelle et le piano. Les deux instruments y sont traités d'une façon absolument égale; il y a même de longs passages où un seul instrument se fait entendre, l'autre se contentant d'écouter. M. Muller joua la partie de violoncelle avec exactitude, mais sans l'engagement qui aurait donné vie à cette musique abstraite, alors que M. Marchand, au contraire, y prit un intérêt évident qu'il communiqua constamment à l'auditeur.

Cette impression resta inchangée jusqu'à la fin du programme: un violoncelliste consciencieux mais sans personnalité, affligé d'une sonorité terne dont se détachaient deux ou trois dramatiques incursions au grave, et, en contraste, un pianiste à la fois grand technicien et grand musicien, et qui reste toujours très présent, comme le comédien qu'il est aussi.

Ce récital fut donc celui de Jean Marchand, d'abord, et de Philippe Muller, ensuite. D'une voix presque éteinte, M. Muller annonça qu'il changeait l'ordre des trois obscures petites pièces qui suivaient, ce qui ne modifia en aucune façon le résultat. Intermezzo de Debussy, Romance et Papillon de Fauré: autant de bluettes à garder pour la période des rappels, tout comme cette Sérénade de Poulenc que les deux musiciens se hâtèrent d'ajouter. Le premier Fauré découvrit au violoncelle, tout à la fois, beau phrasé, lyrisme et grincements, alors que la vélocité requise pour le second n'y était qu'à 90 %.

Dommage aussi que le cinquième mouvement du Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen, Louange à l'Éternité de Jésus, n'ait pas reçu l'interprétation souhaitée. «Infiniment lent, extatique, majestueux, recueilli, très expressif», écrit le verbeux Messiaen en tête de la partie de violoncelle. Rien de tout cela à l'archet; plutôt, de légers écarts de justesse comme en ferait un élève mal préparé. En passant, le programme faisait mourir Messiaen en 2010, alors que son départ pour l'Éternité, justement, date de 1992. Rien à dire sur l'exécution de la Sonate de Poulenc.

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PHILIPPE MULLER, violoncelliste, et JEAN MARCHAND, pianiste. Jeudi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.