L'Institut canadien d'art vocal avait choisi Les Mamelles de Tirésias en 2010 comme principal exercice public de son septième stage annuel, mais l'avait remplacé par La Fille du régiment. Ce que j'avais alors accueilli comme un soulagement n'allait durer que deux ans. Pour son neuvième stage, l'Institut revient finalement à l'opéra bouffe de Francis Poulenc créé en 1947 et basé sur la pièce de Guillaume Apollinaire écrite 30 ans plus tôt.

J'ai parlé de «soulagement». J'ai vu les Mamelles quatre fois dans ma vie: en 1994 à l'UQAM, en 2000 deux fois, d'abord à Lanaudière (direction Dutoit), ensuite à l'UdM, puis en 2007 au Conservatoire. Quatre fois, et je n'ai jamais aimé cette chose. En fait, je la déteste. Du répertoire lyrique tout entier, Les Mamelles de Tirésias est probablement ce que je déteste le plus. Parce que le noble sujet de la maternité y est traité d'une façon absolument grossière, sur un texte et une musique qui sont en accord, c'est-à-dire bébêtes.

L'illustre Michel Sénéchal, de retour cette année comme professeur à l'Institut, me confiait, à propos de la chose: «J'adore!» Cet ami de Poulenc assistait à la création, en 1947, et chanta l'oeuvre maintes fois au cours de sa carrière. Je comprends son enthousiasme, mais suis incapable de le partager.

En un peu moins d'une heure, le petit opéra bouffe raconte comment une certaine Thérèse est devenue l'homme dans un couple dont le mari, lui, a décidé de faire des enfants. Mais l'oeuvre est une chose et sa réalisation, une autre. Or, je le reconnais, la production de l'Institut est tout à fait brillante. Tous les sujets chantent et jouent bien, à commencer par les premiers rôles: Jonathan Estabrooks possède une belle voix de baryton et j'ai noté de réels progrès, comme chanteurs et comme comédiens, chez la soprano Marianne Lambert et chez le baryton Marc-Antoine d'Aragon. Concernant la diction française, il faut dire cependant que les surtitres bilingues restent indispensables.

La mise en scène de Joshua Major est très vivante et déplace l'action jusque dans la salle, parmi les spectateurs. Autre habitué de l'Institut, Paul Nadler dirige avec efficacité les chanteurs et les deux excellents pianistes tenant lieu d'orchestre.

Dommage que tant de temps et d'efforts n'aient pas été mis au service d'une oeuvre plus valable.

En début de programme, neuf stagiaires (sept femmes et deux hommes) se succèdent dans autant de mélodies françaises. Ici, un seul sujet à retenir: Karine Boucher. Pour la qualité de la voix, l'articulation du texte et l'interprétation.

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LES MAMELLES DE TIRÉSIAS, opéra bouffe en deux actes et un prologue, texte de Guillaume Apollinaire, musique de Francis Poulenc (1947). Présentation: Institut canadien d'art vocal. Mercredi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.