Le petit spectacle monté chaque année dans le cadre du stage de l'Institut canadien d'art vocal était centré cette fois sur le personnage de Manon et les deux principaux opéras inspirés par le roman de l'abbé Antoine Prévost. En première moitié de programme, une douzaine de stagiaires se partageaient des airs et ensembles de Manon de Massenet, créé en 1884, et de Manon Lescaut de Puccini, venu près de 10 ans plus tard.

Le titre donné à la soirée, Les Portraits de Manon, était déjà justifié. Et pourtant, une surprise s'ajoutait après l'entracte : le petit opéra de 40 minutes que Massenet broda sur sa Manon une dizaine d'années après la création de ce qui demeure son plus grand succès.

Le scénario de ce Portrait de Manon tient en quelques mots. Des Grieux, ayant pris de l'âge et devenu baryton, veut empêcher son neveu Jean, amoureux d'une certaine Aurore, de commettre les erreurs de sa propre jeunesse. Mais il est impuissant devant l'amour : Jean et Aurore se marieront.

La pièce se déroula dans un petit décor de salon (tables, chaises, lampes, tapis... beaucoup de tapis!) et avec accompagnement de piano et mise en scène rudimentaire, sous la direction de Paul Nadler qui, au bas de la scène, dirigeait chanteurs et pianiste.

Le baryton Jean-Michel Richer, à qui Michel Sénéchal avait décerné la plus haute note en master-class la semaine dernière, confirma les qualités alors révélées : solidité vocale, naturel du jeu, diction, style. Christianne Bélanger a de la voix : on le sait par quelques prestations récentes. Mais il est difficile de se représenter «Jean, Vicomte de Morcerf» sous les traits d'une mezzo-soprano en jeans et queue de cheval.

Des surtitres bilingues accompagnaient la musique. Malheureusement, ils disparaissaient dans les séquences parlées. On en aurait pourtant eu grand besoin pour comprendre ce que disait M. Tiberge.

Michel Sénéchal déjà nommé lisait, assis, quelques lignes de présentation avant les numéros de la première moitié du programme, participant même un peu à l'action en infatigable vétéran de la scène qu'il demeure à 84 ans.

J'ose espérer que le concert final de samedi soir, réunissant les 42 stagiaires, nous vaudra de meilleurs moments que le défilé Massenet-Puccini de jeudi. Un seul sujet s'en détache : Vania Margani, très prometteuse comme actrice dans le duo de Saint-Sulpice, de Manon. Mais notre «abbé Des Grieux» étendu sur le plancher du séminaire était plutôt drôle à voir. Dans le rôle, Thomas Macleay a un bon français mais force sa voix et détonne un peu. En Manon française, Adriana Velinova exagère les effets, chose plus acceptable chez la Manon italienne de Chantale Nurse. Marie-Ève Dubé, à qui revenait le poignant «Sola, perduta, abbandonata», a de la voix mais peu de tempérament dramatique.

La soirée n'avait attiré qu'un faible auditoire à la salle Claude-Champagne. Il faut le regretter. Regretter aussi les nombreuses erreurs dans le programme remis à la porte. Un exemple : «Il tente de la repousser mais succombe lorsqu'elle lui rappel leurs tendres passé.» Un autre : «L'opéra débute avec un choeur de passants. Malgré les efforts de ce dernier pour oublier Manon, il ne saisse d'observer son portrait.»

INSTITUT CANADIEN D'ART VOCAL. Jeudi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.