Le spectacle de 20e anniversaire de Chants Libres a totalisé trois heures, cette durée inhabituelle incluant 10 minutes de retard et 20 minutes d'entracte.

Pauline Vaillancourt, la fondatrice de cette compagnie montréalaise de création lyrique, qui en est aussi la «directrice artistique et générale» et même la «trésorière» (nous informe le programme distribué gratuitement à la porte), avait conçu un spectacle où se succédaient en ordre chronologique les 13 opéras qu'elle a créés depuis 1991. De chacun, elle avait retenu une scène, reconstituée aussi fidèlement que possible avec les extravagants décors et costumes originaux, mais des interprètes forcément nouveaux pour la plupart. Les 13 scènes s'enchaînaient avec imagination et selon une mécanique et des éclairages d'une étonnante précision.

Mme Vaillancourt, qui avait elle-même chanté dans la plupart des créations, parla au début du spectacle et revint saluer avec tout son monde à 23 h. Elle avait mobilisé pour l'occasion une équipe musicale et scénique que l'on peut qualifier d'extraordinaire. J'ose croire que des représentants des Prix Opus étaient, eux aussi, au Monument-National, car la petite compagnie a atteint là, avec des moyens limités, un niveau du plus haut professionnalisme.

Je parle de la réalisation et non du répertoire lui-même. Les opéras que favorise Mme Vaillancourt appartiennent à l'avant-garde la plus ésotérique qui soit et dont le sens échappe au mélomane moyen. On le voit bien, par la demi-salle d'hier soir. Trop souvent, les scénarios sont incompréhensibles et les textes, qu'ils soient chantés, chantonnés, parlés ou carrément criés et hurlés, le sont aussi. Les auteurs semblent considérer comme indigne de leur génie le fait d'écrire quelque chose que le commun des mortels pourrait suivre.

Il se peut aussi que la diction des chanteurs soit en cause. Chose certaine, on ne comprenait pas grand-chose, même que des surtitres eurent été souhaitables! Ces interprètes ont néanmoins l'immense mérite d'avoir mémorisé tous ces mots et toutes ces notes sans lien logique entre eux.    

Le spectacle s'intitulait Arias, au sens de «grands airs d'opéras». On connaît, bien sûr, la différence entre un aria et une aria. Aria au masculin est synonyme de chose pénible, alors qu'aria au féminin désigne un solo vocal. Beaucoup de ce que j'ai écouté durant cette interminable soirée était du premier genre, c'est-à-dire du genre masculin.    

Je retiens néanmoins quelques «numéros» comme celui de Ne blâmez jamais les Bédouins, d'Alain Thibault, le tout premier spectacle de Mme Vaillancourt, où lui succédait Stéphanie Lessard, brillante vocaliste qui a bien fait rire la salle. L'Archange, de Louis Dufort, avec comme sujet le procès de l'artiste, valait aussi d'être repris et Les Chants du Capricorne de Scelsi ont passé la rampe grâce aux prouesses vocales et acrobatiques de Marie-Annick Béliveau. Mais j'ai trouvé pénibles les contorsions de la pauvre chanteuse attachée, dans la pièce de Jean Piché, et assourdissantes les musiques techno et disco d'autres pièces.

Et lorsque la petite Princesse blanche de Bruce Mather nous a confié: «Je meurs d'ennui», j'ai eu envie de lui dire: «Vous n'êtes pas la seule.»

ARIAS. Spectacle de 20e anniversaire de Chants Libres. Direction artistique et mise en scène: Pauline Vaillancourt. Nouvel Ensemble Moderne et Ensemble Bradyworks. Dir. Lorraine Vaillancourt. Hier soir, salle Ludger-Duvernay du Monument-National.