Ces deux dernières décennies, Robert Charlebois a passé plus de temps sur scène qu'en studio. Le revoilà qui lance aujourd'hui un disque rock empreint de tendresse, plein de clins d'oeil et de sourires en coin.

Il y a trois jours, Robert Charlebois se baignait à Grande-Anse, en Guadeloupe, où il vit une partie de l'année. Hier, il était revenu à Montréal. Pas tant parce qu'il avait envie de revoir l'hiver («Quand ça fait deux mois que tu vis en costume de bain, le choc est brutal», dit-il), mais parce qu'il lance aujourd'hui son 25album studio, intitulé Et voilà.

Sous ce titre tout simple, il a rassemblé des chansons d'amour et d'amitié qui font le tour de son jardin artistique: une chanson sur un texte de Ducharme, une autre - surprise! - en duo avec Louise Forestier et encore une autre dont les paroles sont signées Daniel Thibon, l'auteur de Je reviendrai à Montréal.

Charlebois dépose-t-il un album bilan? «Ce ne serait pas une insulte de le dire. Il y en a plus derrière que devant. Pas besoin d'être fort en mathématiques pour savoir ça», dit le chanteur qui aura 75 ans cette année. 

«La troisième période est commencée, mais contrairement à d'autres, je suis encore dans le cercle.» 

Son ami Ducharme avait cessé d'écrire longtemps avant de rendre l'âme, révèle-t-il. Comme bien d'autres artistes, qui ont sans doute eu l'impression d'avoir tout dit.

Lui, il écrit et compose toujours. Des chansons nouvelles, il en fait chaque semaine. Il a toujours l'oeil brillant et le rire facile. Il est toujours dans la vie et veut à tout prix éviter cette «horreur de mot, cette infection» qu'est la retraite. «Tous ceux de mes amis qui rêvaient de prendre leur retraite à 60 ans, je les ai vus décliner. Ils ont pris 20 ans en l'espace de quatre ans. Ils ne sont plus connectés à rien. Leur gros fun, c'est faire huit heures de vélo par jour. Moi, je paierais pour ne pas y aller!»

Des surprises

Son énergie et son humour demeurent intacts sur Et voilà, réalisé à cheval sur Brooklyn et Montréal par Gus van Go et Werner F, et enregistré avec de jeunes musiciens américains. Aucun, sauf Gus, qui a grandi au Québec, n'avait une idée de son aura. Alors, c'est sans arrière-pensée qu'ils suggéraient de couper un couplet ici ou d'en ajouter un là. «Eux autres, ils tripaient juste sur le feeling et le son», dit Charlebois, ravi.

Après le folk bluesé défaitiste placé en ouverture (Le manque de confiance en soi, sur des paroles retrouvées de Réjean Ducharme), vient la première grande surprise du disque: Monsieur l'ingénieur, où il est question de surconsommation et de coeur brisé, sur laquelle on reconnaît tout de suite Louise Forestier. «On se perd de vue et on se retrouve tout le temps depuis 1964», dit Charlebois de sa vieille amie avec qui il a visiblement eu du plaisir à jouer en studio.  

«Nos voix marchent bien ensemble. Elle a gardé le même timbre de voix que du temps de Lindberg

Musique de chambre est l'autre collaboration surprise de ce disque. Signé par Simon Proulx (Les Trois Accords), le texte multiplie habilement les clins d'oeil à des pochettes d'anciens disques de Charlebois. Ce dernier a joué le jeu à sa manière: il a tenu à faire un rock à trois accords. «La chose la plus difficile pour moi, c'est faire du rock. Me limiter à trois accords, c'est comme si tu demandais à Duke Ellington de faire une toune à quatre notes... C'est prétentieux de dire ça, mais je viens de l'école à la Michel Legrand : de la générosité et beaucoup d'accords.»

Ce qui ressort le plus de cet album, au-delà des jeux de mots et des poussées rock, c'est toutefois cette tendresse dénuée de mièvrerie qui traverse Les filles de mon âge, So Much Love (en français, contrairement à ce que son titre laisse entendre) et Et voilà, trois chansons qui évoquent l'inévitable tombée du rideau sur la vie. De ce temps qui a filé, Charlebois a fait des chansons d'une nostalgie heureuse. Peut-être parce que, comme il l'écrit et le chante, pour lui, «le temps n'est qu'un fragment d'éternité».

Tournée Robert en CharleboisScope.  Du 6 au 8 juin à la salle Wilfrid-Pelletier. Et en supplémentaires du 4 au 6 décembre 2019. Le 25 mai au Grand Théâtre de Québec. Et en supplémentaires les 30 et 31 octobre 2019.

Image fournie par La Tribu

Et voilà, de Robert Charlebois