Dans la liste restreinte des groupes anglo-montréalais irradiant le circuit planétaire se trouve Ought. En quelques douzaines de mois, le quartette rock montréalais a passé du statut de curiosité souterraine à celui de chouchou de la critique, tant en Amérique du Nord qu'en Europe. Prochaine étape? Le concert du 8 avril à la Sala Rossa.

Lancés sous la prestigieuse étiquette Constellation, les albums More than Any Other Day (2014) et Sun Coming Down (2015), sans compter le maxi Once More With Feeling (2014), ont fait l'objet de recensions plus que positives. Les spectacles ont aussi épaté la galerie pour l'énergie et les angles d'attaque. Ce groupe est décidément très fort à plusieurs points de vue.

Et puisque Ought reprend du service après une pause de quelques mois, l'occasion est belle de discuter avec son chanteur et parolier, Tim Darcy... connu au départ sous le nom Tim Beeler (Darcy étant le nom de famille de sa mère).

Pause salutaire

Le congé était mérité, souligne-t-il d'entrée. «Après plusieurs mois de tournée à la suite du premier album, nous nous étions très vite mis à la création de l'autre album... et nous avions enregistré un maxi entre les deux. Puis nous sommes repartis sur la route après la sortie de Sun Coming Down en septembre dernier. Il était grand temps de nous arrêter!»

Trois mois ont suffi aux quatre musiciens pour recharger leurs piles et relancer cette esthétique rock pour le moins substantielle. Le groupe puise dans le punk, la new wave, l'avant-rock ou le bruitisme ornemental, il transporte toute une cargaison et la balance singulièrement avec des outils qui ne le sont pas d'entrée de jeu : guitare, clavier, basse, batterie.

«Nous aimons évoluer à l'intérieur de ces paramètres apparemment étroits», corrobore Tim Darcy.

«Pendant des mois, la répétition de nos spectacles nous a conduits à des innovations et changements inconscients, ce qui est très différent des décisions prises à nos débuts. Je dirais aussi que nous avons resserré les vis de l'engin.»

Tout ça reste du rock, laisse-t-il entendre néanmoins.

«Nous essayons de composer les meilleures chansons possible; nous aimons le faire dans une certaine simplicité, sans artifices, sans rien de superflu. Le texte y est essentiel, ma connexion avec les mots pendant l'exécution l'est d'autant plus. J'aime qu'on puisse vraiment comprendre mes mots, comme s'il étaient écrits au marqueur noir! C'est une valeur que je cultive depuis que j'ai commencé à écrire.»

Lignée rock

Violent Femmes, Sonic Youth, Talking Heads, Television, Mission of Burma, The Fall, The Replacements... La nomenclature s'allonge lorsqu'on essaie de déterminer les références de la formation montréalaise. Musicalement, notre interviewé sait fort bien qu'Ought est né après plus d'un demi-siècle de rock.

«Si vous aimez un genre ou un autre de la musique populaire, il vous est absolument impossible de faire table rase, fait observer Tim Darcy. Obligatoirement, il y a une lignée et il faut se libérer de cette obsession d'y faire sa marque formellement. Il ne faut pas s'y méprendre: seuls quelques artistes d'exception s'avèrent vraiment différents.»

«Si tu décides de plonger dans un univers musical, c'est que tu es excité et inspiré par des personnalités fortes qui te précèdent. Je ne vois donc aucun problème à refaire la piste de nos influences.»

Ainsi, ces quatre jeunes hommes ont suivi quatre pistes différentes avant qu'elles ne convergent.

«Personnellement, j'ai aimé des groupes comme Sonic Youth, The Replacements ou Big Star, j'ai aussi écouté beaucoup de folk. Ben [Stidworthy, bassiste] est à fond dans l'électronique. Matt [May, claviériste] écoute énormément d'ambient et plusieurs autres genres musicaux. Tim [Keen, batteur) a des goûts très variés: métal, expérimental, noise, musique classique contemporaine. Nous aimons tous les Beatles ou Television. C'est très vaste!»

À l'instar de tant de groupes anglos de cette île montréalaise, Ought est constitué d'étrangers venus faire des études universitaires avant de basculer dans la musique. Tim Darcy a grandi dans le New Hampshire, Ben Stirdworthy en Oregon, Matt May au New Jersey et Tim Keen en Australie.

«Nous souhaitons tous obtenir une résidence permanente au Canada», indique le chanteur.

Pour l'instant, la priorité du groupe est de repartir en tournée jusqu'à l'automne, puis de se consacrer à la création d'un troisième album. Le plus récent a beau s'intituler Sun Coming Down, la trajectoire de ce quartette évoque plutôt le lever de l'astre du jour.

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À la Sala Rossa le 8 avril, 21 h. Précédé de Caro Diaro et Wreckage With Stick.