Dans l'imagination des auteurs de livrets d'opéra et des compositeurs des siècles passés, les temples s'écroulent, les Walkyries chevauchent dans le ciel et les statues s'animent. Avec les moyens dont disposaient les metteurs en scène de l'époque, ces moments surnaturels étaient souvent rendus avec maladresse.

Alain Gauthier a voulu répondre aux défis posés par certaines scènes de Samson et Dalila en faisant appel aux projections et à l'expertise de l'agence de création Circo de Bakuza. La Presse a eu un accès privilégié à l'atelier où a pris forme ce projet audacieux, qui a nécessité deux ans de travail.

L'arrière-scène est composée de plusieurs panneaux amovibles de 20 pieds de hauteur montés sur rails, sur lesquels sont projetées des images qui évoluent avec la musique grâce à 14 projecteurs et à la technologie du mapping vidéo, qui permet d'intégrer l'architecture à des projections.

Ces images représentent tantôt un simple décor, tantôt les sentiments des personnages ou encore l'action de manière symbolique. Elles permettent de changer de lieu en quelques instants et de représenter des scènes problématiques de Samson et Dalila, comme la destruction du temple, à la fin de l'opéra, et la bacchanale.

«Avec un décor traditionnel, la destruction du temple n'est jamais crédible. On voit tomber des colonnes retenues par des cordes. Grâce aux projections, le décor va donner l'impression de s'effondrer sur lui-même.», explique Alain Gauthier, metteur en scène de Samson et Dalila

Les projections permettent de sortir de la réalité pour illustrer des aspects psychologiques d'une oeuvre, un atout précieux pour un metteur en scène.

«Quand Samson et Dalila sont amoureux, on a un ciel étoilé très romantique. Quand ils entrent en conflit, le ciel s'envenime et devient orageux. Cela permet d'amener le spectateur d'une autre façon dans l'émotion des personnages», ajoute-t-il.

Effets spéciaux

Plusieurs jours de tournage ont été nécessaires pour créer les images à projeter. On a fait appel à deux danseurs dont les corps seront projetés pour représenter virtuellement la bacchanale au lieu de faire monter des danseurs sur scène comme dans les productions traditionnelles.

Divers effets visuels ont été créés de toutes pièces à partir d'une foule d'objets comme des fleurs, du sucre ou du lait teinté lancé dans l'eau. Les images filmées ont ensuite été traitées par infographie. «Oui, on a voulu situer le spectateur dans le lieu et l'époque de l'opéra, mais on ne voulait pas être hyperréaliste. On a voulu demeurer dans un univers très stylisé, surréaliste et symbolique», affirme Patricia Tremblay, directrice artistique de Circo de Bakuza

«La technologie est un outil de plus dans l'opéra, mais ce n'est pas nécessaire pour toutes les productions, dit Alain Gauthier. Il y a des oeuvres qui ne s'y prêtent pas. Mais avec une oeuvre plus grande que nature comme Samson et Dalila, je crois qu'on va gagner à plonger dans la poésie de toutes ces images.»

L'Opéra de Montréal ne s'en cache pas: il souhaite intéresser d'autres compagnies nord-américaines à cette nouvelle production pour l'exporter et en tirer des revenus de location, comme il le fait régulièrement. En 2013-2014, l'OpéradM a tiré 182 516$ de ses exportations.