Pour son deuxième album solo, Maladie d'amour, Jimmy Hunt a passé des nuits blanches dans un chalet et en studio à expérimenter des sons et intégrer le synthétiseur dans son univers. Discussion avec le chanteur en compagnie de son réalisateur et grand ami Emmanuel Ethier.

Difficile de parler du nouvel album de Jimmy Hunt sans évoquer la pochette, présentant deux éléphants en train de s'accoupler. «La pochette a été bannie sur iTunes dans certains pays, dit en riant Jimmy Hunt. C'est considéré comme de la pornographie animalière. Je ne pensais pas que ça pouvait encore arriver.»

Quand Jimmy Hunt a vu la photo, son choix était fait, peu importe la réaction des gens. L'auteur-compositeur et ex-membre du groupe Chocolat est un esprit libre. L'espoir d'être finaliste à l'ADISQ et des compromis artistiques pour percer les ondes radiophoniques? Rien à foutre. La création et le libre choix prévalent sur le succès et le musically correct.

Son premier album solo était essentiellement organique avec des influences blues, folk et chanson française. Avec Maladie d'amour, il a mis de côté l'harmonica et exploré le synthétiseur. «Mais j'ai fait attention de ne pas être le chanteur folk qui sort un album électro. On a réussi à bien doser», dit-il.

Son album comprend 14 chansons. «On en avait 20 au départ et on a même flirté avec l'idée de faire un album double. Finalement, la suite va sortir plus tard sur un EP.»

Enregistrement

Maladie d'amour s'est enregistré en trois temps: en solo à la maison, dans un chalet avec Christophe Lamarche-Ledoux (d'Organ Mood et Rock Forest) puis aux studios Victor et Apollo avec son ami et réalisateur Emmanuel Ethier.

«Toute la première partie s'est faite avec Christophe. Il a laissé sa marque sur l'album. C'est avec lui que j'ai commencé l'intégration du synthétiseur», raconte Hunt.

«De là, on avait une matière qu'on a modelée pour que ce soit smooth, poursuit le réalisateur Emmanuel Ethier. C'est gossant qu'on associe souvent péjorativement les claviers juste aux sonorités électros eighties, souligne-t-il. C'est comme si on associait les guitares à une décennie... Nous nous sommes plus inspirés de la fin des années 70.»

Jimmy Hunt et Emmanuel Ethier sont avant tout des amis «qui aiment la bière». Ils ne comptent pas les heures et ils ont eu la chance de travailler avec un ingénieur du son, François Régis Pagé, qui vit de nuit comme eux et qui affectionnait le projet. «Il était prêt à enregistrer une track à 6h du matin. Tant qu'on était debout et fonctionnels, il nous suivait», raconte Hunt. «C'était l'fun de travailler avec quelqu'un qui ne punche pas. Tout était possible à cause de lui», ajoute Ethier.

«Comme dit Jimmy, on a tout fait et tout essayé. On avait beaucoup de chansons et beaucoup de possibilités, poursuit le réalisateur et membre du groupe Passwords. Le pacing a bougé jusqu'à la dernière minute et il y avait beaucoup de chansons avec quatre ou cinq versions. C'était cool d'y aller avec une démarche prise de tête.»

«En studio, moi j'ai tendance à être impatient alors qu'Emmanuel peut passer des heures à chercher des sons», signale Jimmy Hunt.

Sons

Des sons, il y en a de toutes sortes sur Maladie d'amour. Jimmy Hunt s'éloigne de la chanson française pour s'approcher du rock anglo-saxon seventies avec des arrangements tantôt psychédéliques, beatlesques, dansants et funk. Le rythme et les guitares pop-corn de la pièce Christian Bobin et du premier extrait, Nos corps, frôlent délicieusement le rétro-futurisme kitsch. Des pièces plus pop et mélodiques côtoient des ballades et des titres plus expérimentaux.

«J'ai grandi beaucoup en écoutant de la musique des années 70 et je trouve que Jimmy est l'un des seuls au Québec qui a une musicalité dans son écriture, souligne Emmanuel Ethier. Les paroles sont super bien écrites, mais ce n'est pas juste des paroles sur de la musique. Le propos fond... c'est un songwriter classique... Pas juste de la poésie sur des arrangements.»

C'est par ailleurs à l'initiative d'Emmanuel Ethier que l'album a été mixé par un anglophone, Chris Moore (TV On The Radio, Yeah Yeah Yeahs). «Dans les mix francophones, on a tendance à trop miser sur le propos et la voix. L'idée était d'avoir une personne qui prenne ma voix comme un instrument...», explique Jimmy Hunt.

Paroles

Les paroles donnent néanmoins beaucoup de personnalité à l'album. Jimmy Hunt réfléchit et divague toujours sur l'amour, le désir, l'adultère et la sexualité. Parfois sérieusement, parfois avec désillusion. La nuit, il veille sur le sommeil de l'une, alors qu'il dit à l'autre d'oublier son nom.

Denise est «la plus belle», alors que Marie-Marthe est «une vieille conne». «Marie-Marthe, c'était ma professeure en deuxième année du primaire. C'était une religieuse», précise Jimmy Hunt, qui a dédié une chanson à l'auteur Christian Bobin car il aime ses écrits sur «le bonheur solitaire».

«Dans mes textes, j'aime passer de l'insouciance à la sincérité pour brouiller les pistes, dit-il. J'aime laisser des trous d'interprétation.»

Prochaine étape, le spectacle dont la première aura lieu au Cabaret du Mile End le 9 octobre. «J'ai hâte de faire le show et la tournée. Si ça peut durer assez longtemps... je penserai après mon prochain album.»