Dans l'Astral bondé d'hier soir, tout le monde avait hâte d'enfin renouer avec Elisapie Isaac, la belle chanteuse du groupe Taïma qui vole désormais de ses propres ailes. Nous étions surtout curieux de voir comment les nouvelles couleurs de son très bel album solo paru l'automne dernier (There Will Be Stars) lui vont sur scène.

Pour paraphraser Elisapie elle-même quand, au rappel, elle nous a offert un délicieux emprunt à un «groupe nordique» du nom d'ABBA, disons tout simplement que l'heure et demie passée en sa compagnie nous a fait du bien au coeur.

Elle était un peu intimidée l'Elisapie en début de soirée, mais cette gêne a vite rendu les armes devant son naturel, son charme fou et, disons-le, sa force de caractère. Celle-là même qui lui permet déjà d'imposer avec un minimum de moyens un album pourtant très orchestré.

Elisapie Isaac n'a que deux complices sur scène, Manuel Gasse et Gabriel Gratton, mais ces deux-là sont de véritables hommes-orchestres qui manipulent avec autant de bonheur que de légèreté guitares, basse, ukulélé, pianos, melodica et instruments de percussion. En plus, ils chantent, une qualité essentielle aux oreilles de leur patronne. Grâce à eux, Butterfly, dépouillée de ses couleurs des îles au profit d'un traitement presque country, et la Turning My Back à saveur disco de l'album, jouée sans claviers, ne perdent rien au change.

Cet accompagnement efficace et inventif donne à Elisapie la marge de manoeuvre nécessaire pour laisser pénétrer la lumière dans sa musique organique, et ce, même quand elle reprend deux pièces de Taïma, dont le répertoire était plus contemplatif.

La chanteuse de 2010 rayonne, elle bouge avec grâce et sait comment exploiter sa voix chatoyante pour toucher son public, qu'elle chante en inuktitut, en anglais ou en français.

Sa version scénique de Moi, Elsie, la chanson-vérité que lui ont donnée Richard Desjardins et Pierre Lapointe, est magnifique et personne n'a le goût de la contredire quand elle nous dit que, désormais, elle lui appartient presque.

Entre les chansons, elle se raconte avec humour, un soupçon de poésie, des expressions délicieusement gauches, mais imagées et une spontanéité qui fait mouche à tout coup. Tout le monde y passe, de ses cousins et cousines à Bob Dylan et Leonard Cohen, dont l'album Songs From a Room l'a tellement séduite qu'elle aurait convaincu sa mère de lui confectionner un manteau traditionnel et son père de lui construire un igloo s'il l'avait suivie dans le Nord. Le public goûte chacune de ses histoires, tant et si bien qu'au moment de présenter Moi, Elsie, elle fera mine de «réprimer» ses instincts de stand-up comic.

Ce public attentif applaudit avec autant de chaleur des chansons aussi différentes que la rythmée Inuk, la très pop Out of Desperation ou une nouvelle chanson (Saimanik) écrite pour son oncle pendant laquelle elle «ose» s'accompagner à la guitare acoustique. Au rappel, elle a beau multiplier les clins d'oeil avant de s'abandonner au «kétaine contemporain» de Chiquitata, personne n'est dupe: elle fait de cette belle chanson toute simple d'ABBA un moment de bonheur partagé.

On sort de l'Astral avec le goût de réécouter en boucle l'album There Will Be Stars et de retourner voir et entendre Elisapie Isaac à la prochaine occasion. Ça tombe bien, elle y chante encore vendredi et samedi.