En amont, album posthume d'Alain Bashung, comprend 11 chansons inédites de feu le maître. Ces chansons avaient été initialement conçues pour Bleu pétrole, sorti en 2008, soit peu avant sa mort d'un cancer du poumon.

Dominique A, Arman Méliès, Raphaël, Joseph d'Anvers, feu Daniel Darc, Mickaël Furnon (Mickey 3D), Xavier Plumas et Doriand en ont écrit les textes et certaines musiques.

Édith Fambuena, guitariste, réalisatrice, directrice musicale, collaboratrice de Bashung sur Fantaisie militaire, moitié des Valentins qu'on a connus derrière Étienne Daho, a repris cette matière inachevée de Bashung. Et voilà En amont, une oeuvre composite entre Bashung et ses collaborateurs avec les encouragements de sa veuve Chloé Mons.

Côté réalisation, il y a forcément une part d'Édith Fambuena dans le son d'En amont, dont elle a nettoyé et amélioré les maquettes. Il y a ses guitares, sa basse, ses programmations numériques, auxquelles s'ajoutent des contributions instrumentales ou vocales de Raphaël, Doriand ou Arman Méliès.

Néanmoins, un nuage plane au-dessus de ces chansons inédites: le principal intéressé ne les avait pas sélectionnées pour son opus ultime. Pourquoi alors replonger dans ces fonds de tiroir? Pour garnir la caisse des ayants droit de l'artiste disparu?

Cela pourrait être plausible, mais... à l'écoute de ces 11 titres pour la plupart excellents, on optera ici pour des motifs de cohérence esthétique: fort possiblement, Bashung avait choisi les autres car ils formaient un tout et que ceux-ci cadraient mal dans Bleu pétrole.

D'aucuns réfutent cette vision, croyant que ces chansons ne méritaient pas l'exhumation, concluant que Bashung ne les trouvait pas à la hauteur. Dans la même optique, les détracteurs d'En amont croient ses thuriféraires de l'album aveuglés par la plus plate nostalgie, par le souvenir romantique d'un grand disparu.

Affirmons au contraire que les détracteurs font ici preuve de dogmatisme en déduisant l'application d'une stratégie d'affaire répréhensible que pratique depuis longtemps l'industrie de la musique: amasser une cagnotte supplémentaire avec les morts célèbres en étirant la sauce.

Pour une rare fois, inscrivons-nous en faux contre cette lecture, mécaniste dans le cas qui nous occupe. Optons ici pour une autre évaluation avec cet a priori: toutes les transgressions sont possibles, seul compte le résultat final. Et le résultat final est plus que défendable!

On peut, par exemple, deviner qu'un malade en phase quasi terminale, pourtant capable de chanter avec l'expressivité nécessaire à l'exercice malgré l'affaiblissement, trouve pompeux de sélectionner Immortels. Voilà certes une chanson fabuleuse de Dominique A, dont la thématique pourrait par son seul titre laisser traîner quelques soupçons de vanité ou de grandiloquence.

On peut supposer que Bashung, arrivé au seuil de l'infini, eut le désir de l'humilité et donc repoussa des rimes telles «Tu vois, ça fait longtemps que j'me fais peur / Des fois, je me dis que j'vais m'enfuir avant l'heure...» telles qu'on les entend dans la splendide Montevideo de Mickaël Furnon.

On peut comprendre que Bashung eut aussi écarté Nos âmes à l'abri, qui révèle un texte magnifique de Doriand; dans le contexte, cela pouvait aussi générer quelques confusions entre le propos réel de l'auteur et le refuge définitif de son interprète, soit sa dissolution dans l'univers.

«... Ad vitam aeternam / sur la plage, un sablier / Pour mettre nos âmes à l'abri...»

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CHANSON, FOLK, ROCK. En amont. Alain Bashung. Barclay/Universal.