(Paris) Une enquête a été ouverte en France après les nombreuses attaques à caractère raciste visant la chanteuse franco-malienne Aya Nakamura, citée comme possible participante à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques.

Le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) a ouvert une enquête après la réception mercredi du signalement de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) « dénonçant des publications à caractère raciste au préjudice d’Aya Nakamura », a indiqué vendredi le parquet de Paris, sollicité par l’AFP.

La chanteuse de 28 ans,  sacrée en février artiste féminine aux Victoires de la musique, est la cible de l’extrême droite et fait l’objet de nombreuses attaques racistes depuis l’annonce, fin février par l’hebdomadaire français L’Express, de sa possible participation à la cérémonie de lancement des Jeux olympiques d’été à Paris, le 26 juillet.

Cette participation éventuelle n’a été officialisée ni par la chanteuse, ni par les organisateurs des Jeux, ni par la présidence française.

Dimanche, lors du premier grand meeting de campagne des élections européennes du parti d’extrême droite Reconquête !, des huées ont surgi à l’évocation de l’artiste.

Les détracteurs de la chanteuse francophone la plus écoutée au monde ne tolèrent pas les libertés que l’artiste prend avec la langue française, comme dans Djadja, mêlant argot, vocabulaire et images venus des quatre coins du monde (« J’suis pas ta catin, Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça »).

Banderole

« On aime ou on n’aime pas, elle ne chante pas en français », a considéré mardi Marion Maréchal, tête de liste de ce parti pour les européennes.

Le week-end dernier, le groupe identitaire Les Natifs a diffusé sur les réseaux sociaux la photo d’une banderole sur laquelle était écrit : « Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako ».

Le président Emmanuel « Macron vise à imposer Aya Nakamura comme la chanteuse représentant les Français et leur culture », ont-ils affirmé sur Telegram mardi, en déplorant, selon eux, « l’africanisation de notre culture, largement entamée après 50 ans de regroupement familial ».

SOS Racisme a dénoncé cette banderole, dont le but est « d’affirmer qu’Aya Nakamura n’a aucune légitimité à représenter la France » alors qu’elle est une « artiste française ».  

La chanteuse est « renvoyée à des origines maliennes manifestement disqualifiantes aux yeux de l’extrême droite », a poursuivi SOS Racisme vendredi, annonçant saisir la justice à son tour.

Aya Nakamura avait vivement réagi sur les réseaux sociaux, accusant ses détracteurs d’être « racistes ». « Je deviens un sujet d’état numéro 1 » et c’est ça « qui vous fait mal », avait-elle lancé, avant de conclure : « je vous dois quoi en vrai ? Kedal ».

Interrogée sur son argot ouvert à tous vents, et ses influences musicales mêlant RnB, zouk et tempo portoricain, elle avait confié fin 2020 à l’AFP « comprendre que certains se disent : “pour qui elle se prend celle-là, à nous narguer avec notre langue française” mais c’est important d’accepter la culture des autres et moi j’ai une double culture ».

Aya Nakamura est devenue une star internationale depuis Dajdja, sorti en 2018 et qui cumule 950 millions de vues sur YouTube.

« Pur racisme »

Près d’un Français interrogé sur deux (49 %) juge que son éventuelle participation est une « mauvaise idée », contre 21 % estimant que c’est une « bonne idée » et 30 % qui n’ont « pas d’avis », selon un sondage Elabe pour la chaîne BFMTV publié le 13 mars.

Face aux attaques répétées, la chanteuse, née à Bamako et qui a grandi en région parisienne, a bénéficié de nombreux soutiens.

La ministre française de la Culture, Rachida Dati, est montée au créneau mardi : « Attention aux prétextes pour s’attaquer à quelqu’un par pur racisme », a-t-elle lancé, ajoutant : « s’attaquer à une artiste pour ce qu’elle est […] est un délit ».

La ministre des Sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a elle, choisi d’exprimer son soutien en reprenant le refrain de Djadja.

« Sur quels critères vous vous basez pour dire qu’elle ne peut pas représenter la France ? », a demandé dans une vidéo sur TikTok l’ancien footballeur Lilian Thuram, très investi dans la lutte contre le racisme.

« Le racisme […] c’est lorsqu’on essaye de vous dire que vous n’avez pas le droit d’avoir ce que vous méritez », a-t-il ajouté, invitant à « surtout ne pas banaliser ce discours » qu’une personne de couleur noire ne pourrait pas représenter la France.