Des artistes de haut calibre s’invitent sur le neuvième album du groupe, mature et somptueux.

Les membres de The National se sont de nouveau réunis pour First Two Pages of Frankenstein, un neuvième album où l’on accède de très près à l’introspection du meneur Matt Berninger à un moment éprouvant de sa vie.

Matt Berninger, meneur du plus connu des groupes indépendants, a raconté ces derniers mois avoir été complètement bloqué dans l’écriture pendant plus d’un an, alors qu’il traversait une période sombre de dépression. Au point qu’il a pensé pendant un moment que ce serait peut-être la fin de The National.

La chanson Tropic Morning News, coécrite avec la femme de Berninger, Carin Besser, a été un tournant. La chanson qui allait entamer une nouvelle ère pour le groupe. La chanson que nous préférons sur cet album où il ne manque pas de morceaux à adorer.

Elle encapsule en cinq minutes (les chansons de The National sont toujours aussi longues sur ce disque) l’intention de l’album : ce besoin, semble-t-il, d’extérioriser toutes les choses difficiles à endurer et à affronter, que Berninger a eu à surmonter avant de pouvoir les aborder. Alors qu’il raconte finalement tout ce qu’il n’arrivait pas à dire, on a accès à une œuvre mélancolique, nostalgique, où l’obscurité est constamment opposée à un viscéral besoin de lumière (qui brille à son plus fort sur la dernière pièce, Send for Me).

Trois artistes de haut calibre ont été invités sur l’album, soit Sufjan Stevens, Taylor Swift et Phoebe Bridgers. Swift amène beaucoup de sa patte sur The Alcott, sur laquelle Berninger et elle se répondent somptueusement, tel un couple qui se remémore de meilleurs temps auxquels il voudrait revenir.

La pièce d’ouverture, Once Upon a Poolside, lamentation menée par le piano, avec Sufjan Stevens, est d’une tendresse envoûtante. Eucalyptus, juste après, que l’on imagine déjà entonnée en chœur dans les spectacles que donnera prochainement le groupe, est un hymne à la fois galvanisant et délicat, comme The National sait si bien en composer. Les arrangements, sur cette pièce et toutes les autres, sont sans reproche. New Order T-Shirt mêle la naïveté et la simplicité lyrique des premiers essais de The National à une maturité bien acquise désormais – un amalgame qui a tout pour plaire.

Les deux morceaux sur lesquels figure Phoebe Bridgers lui accordent une place restreinte, où elle amène des chœurs. La voix séraphique de Bridgers amène ces pièces déjà magnifiques à un niveau encore plus appréciable. La puissante Your Mind Is Not Your Friend, sur laquelle elle a un peu plus d’espace pour briller, est une chanson inspirée des deux premières pages de Frankenstein, roman de Mary Shelly que Matt Berninger a entamé alors qu’il était affligé du syndrome de la page blanche. D’où le titre de l’album.

Les projets de chacun en dehors de The National viennent distinctement teinter l’approche actuelle du groupe. Aaron Dessner a travaillé sur les albums (très pop) de Taylor Swift et de Gracie Abrams, entre autres, en plus de lancer avec Justin Vernon (Bon Iver) l’album collaboratif de leur groupe Big Red Machine. Matt Berninger a fait paraître son premier projet solo en 2020. Bryce Dessner a composé des musiques de film et les frères Devendorf ont chacun collaboré aux projets d’autres artistes. Ces expériences éclectiques enrichissent ce qu’offre aujourd’hui le groupe américain. Nous entrons dans une nouvelle phase, une évolution bienvenue, sans grands remous (il s’agit de The National, tout de même), mais tellement somptueuse.

Extrait de Your Mind Is Not Your Friend, de The National (avec Phoebe Bridgers)

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First Two Pages of Frankenstein

Rock indépendant

First Two Pages of Frankenstein

The National

4AD

8/10