(Paris) Un duo avec Paul McCartney, la guitare hard rock d’Eddie Van Halen… : l’album Thriller de Michael Jackson, disque le plus vendu de tous les temps, a sculpté il y a 40 ans une pop hybride devenue la norme depuis.

Écoulé à « plus de 100 millions » d’exemplaires selon la maison de disques Sony et les légataires de l’artiste disparu en 2009, Thriller sort le 30 novembre 1982.

Et consacre Michael Jackson comme le « roi de la pop ». L’image de la mégastar n’est plus la même quarante ans après, sauf pour ses fans.

Un documentaire récent, contesté par ses héritiers, a relancé les accusations de pédocriminalité, démenties de son vivant par le chanteur, qui n’a jamais été condamné pour de tels faits.

Thriller n’en demeure pas moins un marqueur de l’histoire musicale. Dawn FM, album de la machine à succès The Weeknd, sorti début 2022, s’en inspire de toute évidence. « Michael est quelqu’un que j’admire. Ce n’est pas une personne réelle, vous voyez ? Quand j’ai commencé la musique, c’est à ça que j’aspirais », confie d’ailleurs le Canadien à la revue GQ.

Le côté mille-feuilles sonore de Thriller doit beaucoup à l’association entre Michael Jackson et Quincy Jones, producteur de légende recruté sur son précédent disque (Off The Wall, 1979).

Enceintes en feu

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Thriller consacre Michael Jackson comme le « roi de la pop ».

Le chanteur appelle initialement Quincy Jones pour son carnet d’adresses afin de trouver un producteur. Mais « Q », comme le surnomme Frank Sinatra, se propose.

« Quincy, dont ne voulait pas la maison de disques pour Off The Wall, qui voit d’un mauvais œil ce producteur venu du jazz, cette musique “qui ne vend pas une cacahuète” comme on dit à l’époque dans l’industrie musicale », raconte à l’AFP le Français Olivier Cachin, auteur des livres Michael Jackson, Pop Life et Michael Jackson, métamorphoses musicales.

La collaboration entre Jones et Jackson, tous deux coproducteurs de Thriller, fera pourtant des étincelles. Au propre comme au figuré.

Pour le titre Beat It, « on a travaillé cinq jours et nuits d’affilée sans dormir. À tel point, qu’à un moment, les enceintes du studio ont surchauffé et pris feu », se souvient Jones dans le magazine Rolling Stone.

Sur ce morceau, il y a le guitariste de Toto, Steve Lukather, écrasé par le solo d’Eddie Van Halen. On trouve donc une pincée de hard rock sur Thriller, mais aussi Paul McCartney en duo pour la bluette The Girl Is Mine.

On entend aussi une rythmique rap sur Wanna Be Startin’ Somethin’. Sans parler du sample — sans autorisation — sur ce même morceau de Soul Makossa. Son créateur, le saxophoniste Manu Dibango, figure de l’afrojazz, intentera une série de procès pour plagiat, soldée par un arrangement financier.

Morts-vivants

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Des gens recréent la vidéo de Thriller à New York dans le cadre du New York's Annual Village Halloween Parade.

Le disque — 9 titres à l’origine, l’album anniversaire Thriller 40 qui sort ce vendredi s’enrichit d’inédits — se prolonge par des clips en 1983.

Mais la nouvelle chaîne musicale MTV, qui programme du rock joué par des artistes blancs, refuse de diffuser celui de Billie Jean.

Le patron de la maison de disques de Jackson, Walter Yetnikoff, « menace alors MTV de les dénoncer publiquement comme de gros racistes et de leur bloquer l’accès aux clips des artistes de rock de son catalogue », rappelle Olivier Cachin. La bataille est gagnée.

Yetnikoff se braque ensuite quand Jackson propose pour fin 1983 un clip de près de 14 minutes pour le morceau Thriller, réalisé par John Landis, le réalisateur des Blues Brothers, dont il aime le film Le loup-garou de Londres.

« Yetnikoff ne voit pas pourquoi dépenser près d’un million de dollars — du jamais-vu pour un clip — alors que l’album est déjà N° 1 (des palmarès), mais Michael a une vision, est têtu », rembobine le journaliste Olivier Cachin.

Le mini-film est présenté en avant-première dans un cinéma de Los Angeles devant un parterre de vedettes. On y voit Jackson se transformer en loup-garou dans un prologue de 4 minutes avant que la chanson ne commence. Puis des morts-vivants sortent de leurs tombes, sur une voix off de Vincent Price, acteur culte du cinéma d’épouvante des années 1950-60. Thriller vient d’accoucher d’une autre révolution entre musique pop et film horrifique.