La chambre d’hôtel de Cognac, en France, s’est illuminée début juillet lorsque les visages de Megan et Rebecca Lovell, originaires de Calhoun, en Géorgie, sont apparus dans le cadre de la caméra.

« Toutes nos guitares sont dispersées dans la chambre, on est justement à composer une nouvelle chanson », nous annonce Megan, la plus jeune des deux, début trentaine. Elle en brandit une pour le journaliste, un petit modèle de poche aux teintes de bleu azur. « Dans un tour bus, c’est plus difficile d’avoir de l’intimité. »

France, Roumanie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse, Italie, en première partie de Jack White, le blues-folk-rock de Larkin Poe est brûlant sur l’échiquier des festivals.

La dernière tournée du groupe dura sept semaines, puis retour à la maison à Nashville pendant 11 jours et rebelote en Europe pour des dizaines de dates.

Nous avons toujours été un road band, on connaît les rigueurs de la vie en tournée. Rigueurs, vous dites ? Vegas, Trois-Rivières, Cancún en trois jours.

Les sœurs Lovell

« J’espère que tous ceux qui liront cet article nous enverront des travel jujus [traduction libre : porte-bonheurs du voyage] en se croisant les doigts pour nous ! »

Une « fondation bluegrass »

Larkin Poe, c’est le nom du quatuor des deux frangines, inspiré du nom de leur trisaïeul qui était le cousin germain d’Edgar Allan Poe. The Lovell Sisters et le trio bluegrass venaient de se dissoudre lorsque l’aînée Jessica a quitté ses deux cadettes en 2009.

« On traîne avec nous cette fondation bluegrass, et cette dextérité sur les instruments. Le monde peut facilement distinguer le bluegrass twang dans tout ce qu’on fait. »

Harmonies sudistes fortes, riffs de guitare pesants, épiques chevauchées à la slide guitare, on les a surnommées les petites sœurs des Allman Brothers tant l’identité est forte en références.

Juste en échafaudant une guitare National Steel, Rebecca vous émeut avec trois fois rien. Megan, de deux ans sa cadette, joue essentiellement de la guitare Rickenbacker Lap Steel.

« Je viens de me procurer une guitare de marque Kalamazoo produite par Gibson durant les années 1930, nous apprend fièrement Megan, surtout pour composer. »

Sur la discographie de six albums de Larkin Poe publiés depuis 2014 sur le label Tricki-Woo, on en retient surtout trois : Venom & Faith, enregistré à Nashville et nommé aux Grammy Awards l’année suivante, un album novateur de blues aux nombreuses teintes ; sans leur apposer une étiquette de revivalistes colorées, les deux sœurs ont gagné en admiration avec Kindred Spirit, un 5album qui contient des versions de chansons de Lenny Kravitz, de Neil Young, d’Elvis Presley, d’Elton John, etc. ; Self Made Man, paru en 2020, est aussi un grand disque de blues-folk.

Blood Harmony

Blood Harmony, qui sort le 11 novembre, suggère des flux d’émotions très différentes de celles du plus récent disque, Self Made Man. Larkin Poe se permet de petites audaces, une brassée de refrains vraiment magiques et des voix qui fleurissent au milieu des guitares.

Le concert est devenu un disque tant son intensité le justifiait : avec quatre musiciens, plus dans ta face, avec l’énergie brute et la spontanéité, il n’y a pas de doublures des guitares ni des harmonies vocales.

Rebecca Lovell

« Cela résume notre vécu des 12 derniers mois, nos réflexions post-pandémie, être plus honnête envers soi-même, le pouvoir des femmes, des relations humaines, et au-dessus de tout : le rock’n’roll, alternatif par la force des choses. On a voulu mélanger nos personnalités en studio à celles que nous avons devant un public. »

Une approche humaine

Si elles n’ont pas choisi la voie périlleuse de l’innovation, leurs qualités naturelles de mélodistes sont à faire frémir. Elles ont accompagné Elvis Costello en tournée, ont été appelées en renfort par T Bone Burnett sur le projet The New Basement Tapes, ont joué en concert avec Conor Oberst (Bright Eyes), écrit quelques chansons avec Dan Auerbach des Black Keys…

« Je ne pense pas que nous avons des illusions de grandeur ni même que nous aspirons à la célébrité. Ce n’est certainement pas ce qui nous a motivées à faire de la musique. »

On note tout de même deux apparitions au prestigieux festival Glastonbury, en 2014 et 2016.

« Je vais te dire un truc, dira l’une des deux. On est très honnêtes envers nous-mêmes. Enregistrer des disques et faire des tournées, on fait ça depuis l’âge de 14 ans. La qualité de notre relation est la priorité. Avoir mutuellement du respect, de l’empathie, du courage et de la confiance entre nous deux est de la plus haute importance. »

Pendant que l’une cisèle les solos de guitare derrière les contes urbains de l’autre, des chansons griffées par l’innocence ont pris vie. « Je suis très fière qu’il n’existe pas cette adoration de l’héroïne. Notre but premier, c’est d’avoir une connexion humaine et de vivre dans la créativité. On a des conversations enrichissantes avec ceux-ci. »

Ces folk sisters invétérées ont parfaitement su s’adapter aux nouvelles techniques, même si Blood Harmony est d’une candeur rock lourde de prophéties.

« À quatre musiciens, ce sera plus énergique, on va piger parmi nos compositions des six albums, en plus des covers de blues que nous chérissons. A very energetic and bombastic experience ! », nous promet Rebecca.

Larkin Poe est en spectacle le 27 août à l’Amphithéâtre Cogeco au festival Trois-Rivières en Blues.

Consultez le site du festival Trois-Rivières en Blues