La soirée du 2 août était décidément attendue par les mélomanes montréalais, qui se sont déplacés par milliers pour venir entendre l’Orchestre Métropolitain jouer au pied du mont Royal. Un concert bon enfant qui n’a pas lésiné sur la qualité du contenu.

La faune était beaucoup plus diversifiée que celle que l’on côtoie à la Maison symphonique. Plus jeune, plus décontractée aussi. Certains sont venus avec une poussette, d’autres à vélo ou même en quadriporteur. Jeunes et moins jeunes avaient apporté leurs chaises pliantes ou leurs couvertures, mais aussi à boire et à manger. Près de nous, une personne avait même amené son chien, silencieux tout au long du concert.

Malgré la météo inquiétante pendant la journée, on a eu droit à un magnifique crépuscule que ne troublait qu’une solide brise faisant danser les grands arbres du terrain longeant l’avenue du Parc.

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La foule venue assister au concert était nombreuse.

Yannick Nézet-Séguin, qui a été présenté par l’animatrice Pénélope McQuade, était lui-même dans un mode festif, chaussé de souliers de sport multicolores et vêtu de culottes courtes dévoilant un tatouage sur le mollet gauche. Le directeur artistique du Métropolitain a même pris le temps de filmer le public et l’orchestre à l’intention de ses abonnés sur les réseaux sociaux.

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Yannick Nézet-Séguin, chef de l’Orchestre Métropolitain

Passant aux choses sérieuses, il a expliqué vouloir donner un aperçu de ce que fait son ensemble durant la saison. En plus de la Symphonie no 5 de Beethoven, qui se passe évidemment de présentation, l’orchestre a fait entendre des œuvres de deux compositeurs canadiens vivants, le Montréalais Airat Ichmouratov et l’Anichinabée Barbara Assiginaak, ainsi que d’une grande musicienne du XIXe siècle, Louise Farrenc.

Le public a également eu droit en rappel à A Fifth of Beethoven de Walter Murphy, une savoureuse paraphrase disco du premier mouvement de la symphonie que le Métropolitain venait juste d’interpréter.

L’extrait de l’ouverture Ville cosmopolite d’Ichmouratov placé en début de soirée était judicieusement choisi, avec ses fanfares entraînantes et ses citations de rigaudon, cuillère incluse. Il y a une vraie science de l’orchestration là-dedans avec des idées à revendre.

Saut de presque deux siècles en arrière avec le Scherzo et le Finale de la Symphonie no 3 en sol mineur de Louise Farrenc. On se rappellera que cette dernière, qui est devenue à la mode en cette ère de réconciliation avec les groupes historiquement minorisés, était une professeure de piano très recherchée dans le Paris du milieu du XIXe siècle.

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Concert de l’Orchestre Métropolitain au pied du mont Royal, dirigé par Yannick Nézet-Séguin.

Elle n’a pas du tout usurpé sa place au concert. Les deux extraits de sa Symphonie no 3 entendus mardi soir témoignent non seulement d’un métier très sûr (elle avait étudié plusieurs années avec le grand Antoine Reicha), mais aussi d’une admirable inspiration. Le Scherzo notamment, avec son côté furtif, est un bon candidat pour devenir un ver d’oreille.

On avait déjà loué en ces pages la brève pièce Aussi longtemps que la rivière coule de Barbara Assiginaak, entendue l’an passé à la Maison symphonique. La compositrice, qui assistait au concert, nous transporte sur un canot au milieu du Saint-Laurent (« le chemin qui marche » pour les Autochtones) alors que bruissent tout autour les sons les plus divers. Un morceau luxuriant, d’une richesse inouïe, qui nous donne envie d’entendre une œuvre plus développée de la musicienne anichinabée.

Que dire, sinon, de cette Symphonie no 5 de Beethoven absolument survoltée que nous a servie Nézet-Séguin ? On peut bien sûr chipoter sur les tempos, qui sont en général très (trop ?) rapides, encore plus que sur son tout récent enregistrement avec l’Orchestre de chambre d’Europe.

Plusieurs ont en outre sursauté en entendant le chef éluder le point d’orgue terminant le premier ta-ta-ta-ta. Une nouvelle découverte musicologique ? En tout cas, cela dynamise le discours.

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Concert de l'Orchestre Métropolitain au pied du mont Royal, mardi

Le chef dirige cela à un train d’enfer, mais ses musiciens le suivent comme un seul homme. Idem avec les trois autres mouvements, à plus forte raison avec le dernier, qui dépasse même sensiblement le tempo métronomique suggéré par le compositeur. C’est du Beethoven « sur le speed », mais qui décoiffe et renouvelle le regard sur cette œuvre surjouée.

Un mot sur le côté technique en terminant. Il faut évidemment s’habituer au son, qui n’est pas optimal, surtout lorsque le vent s’engouffre dans les micros, mais cela fait partie du jeu. La régie vidéo laissait toutefois beaucoup plus à désirer, des mouvements de caméra inopinés (zooms ou panoramiques brusques) étant survenus à de nombreuses reprises durant la soirée.