On a rarement vu la salle de concert du Domaine Forget de Charlevoix aussi pleine à craquer que samedi soir. La présence de l’Orchestre Métropolitain et de son chef, Yannick Nézet-Séguin, dans le cadre du stage de direction d’orchestre n’y était évidemment pas étrangère. Un concert d’une rare qualité qui valait assurément le déplacement.

Lili Boulanger, Max Bruch et Piotr Ilitch Tchaïkovski étaient au programme de cette soirée courue. De la première, nous avons entendu D’un matin de printemps, qui a assurément la cote ces temps-ci après avoir été jouée par l’Orchestre symphonique de Montréal en septembre dernier et par le Métropolitain le mois passé à la Maison symphonique.

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La salle était pratiquement pleine pour le concert.

Son exécution était réservée à un stagiaire méritant, en l’occurrence le Texan Gregory McDaniel. En bon pédagogue, le chef de l’OM a invité le jeune musicien à présenter lui-même la pièce. Musicalement, la mise en place nous a semblé techniquement irréprochable. Le jeune musicien pourra aller plus loin dans l’effervescence rythmique de la partie « refrain » et la chaleur lyrique inhérente au premier « couplet ».

Pour jouer la Romance pour alto et orchestre en fa majeur, opus 85, et Kol Nidrei de Bruch, l’orchestre a fait appel à l’un des meilleurs altistes actuels, le Français Antoine Tamestit, qui en était surprenamment à sa première collaboration avec Yannick Nézet-Séguin.

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Yannick Nézet-Ségui et Antoine Tamestit

Le soliste gagne la salle dès son entrée sur scène avec son sourire franc et sa présence lumineuse. Le son de l’altiste, debout au milieu de l’orchestre, n’est jamais forcé et tout coule de source, avec un plaisir tout simple d’être là. Si la première œuvre le voit plus discret, se fondant presque dans la masse orchestrale, Kol Nidrei le trouve plus présent, avec un vibrato plus généreux.

Bon, il faut aimer Bruch, qui avouait lui-même que sa musique ne passerait probablement pas à la postérité (à l’exception de son célèbre Concerto n1 pour violon), contrairement à celle de Brahms, dans l’œuvre duquel il a vécu toute sa vie. Le musicologue Christopher Fifield n’a pas tort de soutenir que « sa résistance obstinée aux développements apportés par Wagner a largement étouffé sa propre originalité ». Ce maigre repas nous a au moins été servi sur un plateau d’or.

Et heureusement, un repas de maître nous attendait après la pause. La Symphonie n6 en si mineur, dite « Pathétique », de Tchaïkovski était déjà bien rodée par l’orchestre, qui l’avait jouée au début de juin à Montréal sous la direction de la cheffe invitée Nathalie Stutzmann, dont nous avions souligné « l’impardonnable indifférence » dans un compte rendu pour La Presse.

Lisez l'article « Nathalie Stutzmann et l’Orchestre Métropolitain : des débuts qui ne font pas mouche »

À peine un mois et demi plus tard, l’œuvre revêt de tout autres atours sous la direction de Nézet-Séguin, qui se donne tout entier, accompagnant chaque pupitre dans la recherche idéale de sonorité et d’atmosphère.

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Yannick Nézet-Séguin

Autant la mélodie du basson du début que le sublime thème lyrique du premier mouvement sont superbement réalisés, avec un formidable art du suspense et de l’équilibre sonore dans le premier cas, et un indéniable amour du chant dans le second cas. Seul le passage suivant le thème lyrique, avec des gammes ascendantes aux vents marquées « moderato mosso », nous a semblé un peu trop expédié au début.

Le deuxième mouvement, qui est l’élégance même, et le troisième, magnifiquement bavard, sont du même genre. Et que dire du dernier, où nous avons eu droit à des cordes d’un inoubliable velouté ? Le chef, qui a lentement baissé les bras après l’extinction de la dernière note pendant que la salle observait un silence religieux, a semblé lui-même soufflé par le résultat de ses troupes.

À quand une intégrale Tchaïkovski au disque par le Métropolitain ?