L’Orchestre symphonique de Montréal termine sa saison en canon avec la symphonie des symphonies, la Neuvième de Beethoven, sous la direction de son chef Rafael Payare.

C’est sur Brahms, l’héritier par excellence de Beethoven, que le concert a débuté. L’orchestre et le Chœur de l’OSM ont interprété Nänie, opus 82, et le Chant du destin, opus 54, deux œuvres à la tonalité plutôt réconfortante qui mettaient habilement la table pour la contrastée Neuvième.

S’en tenir à une seule des deux pièces sans entracte aurait toutefois été plus judicieux pour éviter d’étirer la soirée, qui a tout de même duré plus de deux heures.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Le chef Rafael Payare dirige l’Orchestre symphonique de Montréal.

Rafael Payare a la main heureuse dans Brahms, dont il comprend instinctivement le style. Au lieu de nous faire du pseudo-Wagner, comme Michael Tilson Thomas plus tôt l’hiver dernier, le chef vénézuélien ne sacrifie pas la ligne au legato, qui conserve néanmoins un délicieux moelleux.

Le chœur, disposé en demi-cercle dans la corbeille d’arrière-scène, met quelques minutes à retrouver sa cohésion en raison de la distanciation toujours en vigueur. Il faut attendre le premier fortissimo pour entendre une vraie pâte sonore. Si les hommes déploient une sonorité ample et chaleureuse, les voix féminines sont cependant parfois trop « vibrantes » pour ce genre de répertoire.

Puis vient le plat de résistance. On sent Rafael Payare habité dès les premières notes. Rien n’est bousculé, tout respire, mais cela avance avec une constante détermination. Chaque pièce du luxuriant puzzle qu’est le premier mouvement vient prendre sa juste place pour former une poignante fresque.

Dans le deuxième mouvement, le chef ne va d’abord pas trop loin dans le molto vivace demandé par Beethoven, préférant l’impact vertical à la course vers l’abîme. Mais à chaque réapparition du thème principal, il ajoute un soupçon d’urgence. On en redemanderait !

Idem dans le troisième mouvement, marqué adagio molto e cantabile (« très lent et chantant »), dont il gomme le molto mais avec un sens du chant tout à fait remarquable.

Puis arrive le redoutable quatrième mouvement, où se pose d’emblée un très passager mais patent problème d’équilibre, la première trompette enterrant le thème principal des vents.

Le thème du finale (le plus connu de la symphonie) est également pris avec un tempo assez rapide. Même si Beethoven demande allegro assai (« très vite »), le faire tout de suite à cette vitesse enlève peut-être une certaine part d’ambiguïté au discours. Est-on si certain, à ce moment, que va inéluctablement éclater la joie finale ? Un peu de suspense aurait sans doute été de mise.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Rafael Payare à l’œuvre

On se laisse néanmoins gagner par l’enthousiasme du chef, qui entraîne avec lui chœur et solistes pour un étincelant finale qui emporte tout sur son passage.

Des solistes, c’est la basse états-unienne Ryan Speedo Green qui se distingue le plus avec sa fulgurante entrée faite de manière un peu trop théâtrale, ralentissant indûment le tempo du chef. Mais la voix est éminemment impressionnante.

Le ténor Frédéric Antoun, qui semble ménager sa voix, paraît faible en comparaison dans son solo subséquent. Même si elles ne sont guère en vedette, la soprano Karina Gauvin et la mezzo-soprano Sophie Harmsen donnent pour leur part corps au quatuor de solistes.

Sur le plan orchestral, la timbale est probablement trop éclatante dans les deux premiers mouvements. Un son plus étouffé aurait sans doute été davantage de mise. Et le hautbois a semblé souvent précaire. Mais le reste de l’orchestre a brillé de mille feux, particulièrement les cordes. Une soirée d’anthologie !

Le concert est redonné ce jeudi 2 juin et le vendredi 3 juin, toujours à 19 h 30.