Après huit ans d’absence sur disque, le guitariste Yves Desrosiers est de retour avec un album instrumental somptueux qui nous entraîne sur la route au gré de ses pensées. Nous avons discuté kilométrage, guitare classique et lingua franca avec lui.

Yves Desrosiers a fait partie de la Sale Affaire de Jean Leloup, fait le tour du monde avec Lhasa de Sela, écrit des musiques de film pour Robin Aubert. Mais en plus de son travail avec d’innombrables artistes, dont Bïa et Richard Desjardins, l’as guitariste a aussi à son actif trois albums, dont le plus récent, Bordel de tête, a déjà huit ans.

« Je suis un homme de projets, et ces projets ne se ressemblent jamais », nous dit-il au téléphone. Celui du moment est donc l’album Nokta ŝoforo – « chauffeur nocturne » en espéranto —, qu’il a commencé il y a quelques années et qu’il a terminé pendant la pandémie. Un album de route et d’ambiances, inspiré de son amour pour les trajets en voiture quand il part en tournée. Parce que c’est le chemin, plus que la destination, qui compte.

« J’aime prendre l’avion aussi, mais je préfère mettre la main à la pâte : prendre le volant, faire un paquet de kilométrage, et je tripe déjà. Mais arrivé au bout, il y a une autre récompense parce qu’on va jouer devant un public, et là, c’est le jackpot. »

En conduisant, nos pensées vagabondent entre le passé et le présent, et c’est exactement ce qu’il a voulu exprimer dans ces 10 pièces qui puisent dans toutes les influences musicales qu’il a eues, de la musique du monde au rock’n’roll.

Pour ajouter « des épices » au voyage, plusieurs musiciens font ainsi des apparitions, dont son fils, Victor Tremblay-Desrosiers, à la batterie sur plusieurs pièces, Lisa LeBlanc au banjo, Marie-Anne Houle au violoncelle. Mais c’est Benoit Morier qui joue le plus d’instruments – « C’était bar open pour lui ! » – et on peut dire qu’il est non seulement l’acteur de soutien de l’album, mais son deuxième cerveau puisqu’il en est le réalisateur.

Chaque pièce est un paysage, comme quand tu es derrière le volant et que le décor et ton mood changent.

Yves Desrosiers

0:00
 
0:00
 

Mais c’est la guitare classique qui en est le fil conducteur, « l’instrument pivot qui raconte l’histoire », explique le musicien, qui voit les autres instruments autour comme des personnages. « Par exemple, Francis Covan, c’était mon Tsigane, que j’ai choisi sur Paneo en dezerto. J’ai toujours aimé la façon dont il joue du violon, c’est tellement personnalisé. »

« Je lui ai confié la réalisation parce que j’avais confiance en lui, il a bon goût et tout, mais aussi parce que je voulais voir comment se passe ma musique dans la tête de quelqu’un d’autre. C’est ce que ç’a donné. »

Langue commune

Si par sa seule force d’évocation Nokta ŝoforo nous fait traverser différents paysages, Yves Desrosiers a choisi l’espéranto pour y mettre des mots — c’est un spécialiste de Québec qui a traduit la seule chanson de l’album (écrite par Geneviève Simard) et les titres des pièces.

Le musicien aime bien l’idée de cette langue commune construite, une lingua franca qui pourrait remplacer l’anglais.

Pourquoi j’aurais écrit les titres en anglais, pourquoi il faudrait que ce soit la langue internationale ? No way.

Yves Desrosiers

L’espéranto l’intéressait déjà un peu, et même s’il admet que ce projet est une utopie et « que c’est vrai que ça n’a pas marché », il a décidé de pousser plus loin et de l’apprendre.

« Ça fait quatre mois et je vais continuer, je veux devenir un espérantiste. On ne dit pas ça, mais cette langue est quand même parlée dans 120 pays par plein de monde ! J’ai envie de voir ce que ça donne. »

Musique pour voyager

Yves Desrosiers s’amuse en disant que la pandémie lui a permis d’engager d’excellents musiciens « qui d’habitude sont trop occupés » pour faire ses quatre spectacles de lancement – dont trois en zone orange devant public ce week-end.

Mais sortir un album maintenant, alors que tout est encore au ralenti, ne lui pose pas de problème. Il espère surtout que ses pièces rentreront « partout dans les maisons » et qu’elles sauront accompagner les gens.

0:00
 
0:00
 

« C’est instrumental, on peut flyer ! Tu peux le mettre dans ton char et partir… mais fais attention, ma blonde a manqué sa sortie l’autre jour ! J’étais content, ça veut dire que ça marche. »

Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il l’a « assez écouté ». « Je lâche le bébé comme on dit, c’est aux autres de l’écouter. Moi, je vais en faire d’autres. »

IMAGE FOURNIE PAR IMPRESARIA

Pochette de l’album Nokta ŝoforo, d’Yves Desrosiers

Instrumental

Nokta ŝoforo

Yves Desrosiers

Impresaria

> Consultez la page Facebook des spectacles