(Paris) Elles jouent avec leur image et restent indépendantes pour concevoir leur album : Billie Eilish, au succès toujours impressionnant, et Little Simz, à la renommée grandissante, évoluent hors des sentiers battus.

Au moment de la sortie de son deuxième album, Happier Than Ever, au cœur de l’été, Billie Eilish a pris tout le monde à contre-pied avec la Une de Vogue. Connue pour ses mèches vertes et ses vêtements amples, voici la jeune femme (19 ans) en blonde fatale hollywoodienne dans un bustier épousant ses formes.

« Elle essaie toujours de déconstruire les choses », analyse pour l’AFP Benjamin Manaut, chef de projets à Polydor/Universal.

« Je me suis demandé si je ne m’étais pas enfermée dans une case, si la société ne me susurrait pas à l’oreille : “Sois cette image jusqu’à la fin de tes jours”. C’est exactement l’inverse de ce que je recherche ! Je ne veux pas rester la même toute ma vie », a expliqué l’intéressée dans Madame Figaro, une des rares entrevues accordées.

La même démarche se remarque chez Little Simz, rappeuse londonienne, qui sort ce vendredi son nouvel album Sometimes I Might Be Introvert (les initiales forment Simbi, son vrai prénom).

Jusqu’ici, elle s’est présentée sur scène dans un style urbain plutôt sobre, loin du « “show off” des rappeuses américaines, qui sont elles dans la mise en avant, le décorum, l’“entertainment” [le divertissement à grand spectacle] », comme le résume auprès de l’AFP Stéphane Amiel, à la tête du festival Les Femmes S’en Mêlent, qui a programmé deux fois le phénomène.

« Je peux le faire »

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Little Simz

Surprise là aussi avec le clip Woman, où elle apparaît dans un manoir avec robe-fourreau et diamants extravagants. « Elle joue avec son image, elle dit : “Je peux le faire, aussi bien que les autres, mais ce n’est pas moi non plus” », résume Stéphane Amiel. Et les paroles livrent un message qui ne varie pas : le pouvoir aux femmes !

Pour composer leurs disques, ces deux artistes ne font rien non plus comme les autres. Avec la pression autour de son deuxième album, Billie Eilish aurait pu convoquer une armée d’architectes du son (producteurs, beatmakers, etc.). Mais non, l’Américaine a composé et écrit avec son frère Finneas, en circuit fermé, comme pour son premier opus.

« Le premier album s’est vendu à plus de 18 millions de copies dans le monde, n’importe quel producteur aurait accepté de travailler avec elle, mais elle reste fidèle à son frère, c’est assez fascinant et encore plus surprenant, elle continue à être unique et singulière », commente Benjamin Manaut.

À contre-courant de la production actuelle, Billie Eilish propose un album au tempo ralenti, dans l’épure, qui colle à merveille à la thématique d’une notoriété lourde à porter.

« Je suis un patron »

Et à l’heure des listes éclectiques plébiscitées par les jeunes audiences, la Californienne offre un disque « qui s’écoute en intégralité, avec une belle homogénéité », poursuit le chef de projets. Ce vendredi, Billie Eilish présente d’ailleurs un concert-film où elle interprète les titres de Happier… dans l’intégralité et dans l’ordre, accompagnée de l’orchestre du Los Angeles Philharmonic (sur Disney+).

Même principe du cocon créateur chez Little Simz. Pourtant, dès le début de sa carrière discographique en 2015, la rappeuse (aujourd’hui âgée de 27 ans) a été adoubée par ses pairs. Stéphane Amiel se souvient d’avoir vu Mos Def, figure du rap new-yorkais, « au fond de la salle à son premier concert à Paris » aux Femmes S’en Mêlent. C’était il y a six ans, et depuis les éloges de Kendrick Lamar ou Jay-Z pleuvent. Elle vient même de faire sa première télé américaine dans l’émission de Jimmy Fallon.

Les grosses structures lui ont fait des ponts d’or, qu’elle a refusés, demeurant sur son propre label Age 101. Il suffisait d’écouter, elle annonçait la couleur dans sa chanson Boss (2019) : « I’m a boss in a fucking dress/Je suis un patron dans une putain de robe ».