Un an après avoir vu tous ses concerts avec l’Orchestre symphonique de Montréal annulés, Kent Nagano est de retour à Montréal pour enfin faire ses « au revoir ». Il gardera toutefois un lien précieux avec l’ensemble, qui lui attribue le titre honorifique de chef émérite.

Ces 16 dernières années, Kent Nagano n’avait jamais passé autant de temps sans poser le pied à Montréal. Ce n’est qu’au milieu du mois de février, près d’un an après le début de la pandémie, qu’il est enfin arrivé en ville, le temps de respecter la période d’isolement obligatoire avant de se mettre au travail pour les trois concerts d’au revoir qu’il dirigera à compter du 9 mars à la Maison symphonique.

Ces retrouvailles, maintes fois reportées, le réjouissent. « L’OSM et moi sommes devenus tellement proches, j’étais déçu de ne pas pouvoir mettre un point à cette phrase musicale », dit le maestro, qui a aussi de bons mots pour le public d’ici, sans qui rien de ce que l’orchestre et lui ont voulu construire n’aurait été possible, estime-t-il.

Ce lien sera inscrit de manière indélébile dans l’histoire de l’OSM : le conseil d’administration a en effet annoncé qu’il accorde à Kent Nagano le titre de chef émérite pour « sa contribution marquante, tant artistique qu’humaine », à l’ensemble et à la société québécoise. Seul deux de ses prédécesseurs ont eu droit au même honneur : Wilfrid Pelletier et Zubin Mehta.

« Ça arrive très rarement, c’est un très grand honneur », dit Kent Nagano, qui a été « profondément ému » de cette marque de respect.

La relation entre l’OSM et moi est assez spéciale. Ça ne se produit pas souvent. L’histoire se termine sur un consensus : l’idée qu’on a vraiment accompli quelque chose ensemble.

Kent Nagano

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Kent Nagano à la fin d’un concert, remerciant le public

Programmes révisés

Kent Nagano dit avoir plongé dans ce qu’il appelle « la nouvelle normalité » imposée par la pandémie après avoir été brièvement habité d’un sentiment d’étrangeté. Il a moins voyagé (« C’était bien de vivre sans jet-lag », avoue-t-il), a passé des heures au piano et s’est nourri de silence. « Le silence n’est pas un moment où rien ne se passe, observe-t-il. En tant que musicien, on mise sur les moments de pause pour construire des interprétations, les pauses sont extrêmement actives. »

Durant celle que l’époque impose, il a revu les programmes des concerts qu’il dirigera à Montréal. Ce ne sont pas les musiques de Mahler, Bach, Ravel ou Strauss qu’il proposera aux mélomanes montréalais, mais plutôt du Haydn, du Mozart, du Schubert, entre autres, et une œuvre de Hindemith – Kammermusik no 1 — qu’il n’a jamais interprétée avec l’OSM.

Ces changements étaient incontournables, selon lui. « Présenter les mêmes œuvres tout en respectant les conditions sanitaires aurait nécessité un énorme compromis sur le plan de la musique, fait-il valoir. Ça fait une différence si on essaie de faire une très grande œuvre comme la Symphonie no 2 de Mahler avec un petit groupe de voix pour respecter la distance sécuritaire et avec un orchestre de chambre dont les membres ne sont pas trop rapprochés… »

Les programmes des concerts ont changé, mais l’esprit qui les anime demeure le même : donner un aperçu des répertoires que l’OSM et Kent Nagano ont fouillés et fait briller ensemble au cours des 16 dernières années. Il explique avoir misé sur des œuvres classiques ou qui datent du début de l’ère romantique, justement parce qu’elles n’imposaient pas de faire des compromis sur le plan esthétique.

Il précise en outre avoir choisi le Concerto pour orgue en sol mineur, FP 93, de Poulenc pour mettre en valeur le Grand Orgue Pierre-Béique, qui est « toujours considéré comme l’un des meilleurs au monde ». L’imposant instrument sera bien sûr touché par son titulaire, Jean-Willy Kunz.

Les concerts des 9, 16 et 23 mars seront en ligne dès 19 h le soir de leur diffusion inaugurale et seront offerts au cours des trois semaines suivantes sur le site de l’OSM. Les billets sont en vente dès ce jeudi sur la même plateforme.