Il y a moins d’un mois, dans un communiqué enthousiaste, Coup de cœur francophone (CCF) avait bon espoir de présenter quelque 40 concerts dans 6 salles montréalaises au terme du « défi 28 jours » du gouvernement Legault. Deux semaines plus tard, les mesures de semi-confinement ont été reconduites en zone rouge. On connaît trop bien la chanson : le festival consacré à la scène franco, qui prend son envol ce jeudi avec un programme double Moran — Florence K, a migré en ligne.

Prudente, l’équipe de CCF planchait en parallèle sur ce plan B depuis plusieurs mois. Fiou ! Les festivaliers numériques auront accès à une vingtaine de spectacles, presque tous diffusés gratuitement — certains sur inscription — en direct du Lion d’Or, du Ministère, du Quai des Brumes ou du Verre Bouteille.

« C’est vraiment quelque chose de nouveau », lance Frédéric Lamoureux, programmateur du rendez-vous annuel. « Il a fallu se virer sur un 10 cennes. On n’avait pas le choix de faire un plan B, mais on n’avait pas le choix non plus d’avoir un plan A. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Frédéric Lamoureux, programmateur de Coup de cœur francophone

On voulait que les bands puissent jouer live devant le monde si les mesures l’avaient permis. On ne voulait surtout pas se bloquer cette possibilité-là.

Frédéric Lamoureux, programmateur de Coup de cœur francophone

« Deux destinations » possibles, donc, durant les préparatifs. Et deux fois plus de travail pour les organisateurs. Mais il n’était pas question que la pandémie fasse écran à la relève au moment où la musique semble plus que jamais un service essentiel.

Clay and Friends, plus récente révélation Radio-Canada en chanson, Miro, ex-moitié du duo Blé convertie aux influences hip-hop et jazz, Le Couleur, trio électro-pop, ou encore Raccoon, prometteur rappeur originaire de Pointe-aux-Trembles, répondront présent devant micros et caméras.

Du côté des mises au monde, la jeune « rockonteuse » Mélodie Spear lancera sur l’internet le EP Fabulations, tandis que la rappeuse Marie-Gold, cofondatrice du défunt collectif Bad Nylon, défendra un premier album solo complet, Règle d’or. CCF chapeautera aussi le lancement du deuxième album du groupe lanaudois Les Monsieurs, projet rock mentoré par Dany Placard.

Artistes flexibles

Le programmateur Frédéric Lamoureux, lui-même musicien au sein du band rock-garage Gros Soleil, se réjouit de la « solidarité musicale » en ces circonstances contingentes. Il a dû appeler et rappeler les artistes au gré des changements réglementaires.

Tout le monde comprend la situation. Aucun musicien ou gérant n’a gossé sur les cachets ou sur une présence seulement numérique. On est tous dans le même bateau.

Frédéric Lamoureux, programmateur de Coup de cœur francophone

Celui-ci de CCF, précise-t-il d’ailleurs, n’est pas en train de couler, malgré le contexte pesant. Seuls trois concerts — dont celui du duo folk Saratoga — généreront des revenus liés à la vente de billets, à raison de 10 $ par tête.

La planche de salut ? Une programmation modeste ainsi que des subventions et des commandites intactes.

Il y a même du positif dans cette expérience virtuelle. Les gyms ont beau être fermés, des bars de la métropole pourront s’entraîner à la diffusion numérique. « Si la distanciation physique doit continuer encore un an, le Verre Bouteille ou le Quai, par exemple, auront eu 10 jours de festival pour roder leur site en tant que diffuseurs virtuels. »

Même quand la situation reviendra à la normale, tôt ou tard, « le numérique pourrait servir à autre chose, par exemple, devenir un pont avec les Européens ».

Au rang des déceptions : ce sera partie remise pour le spectacle anniversaire de Sauvez mon âme, album phare de Luc De Larochellière, qui vieillit bien depuis 30 ans. Le chanteur et son band de l’époque promettaient une grande fête au théâtre Outremont. Mais là encore, Frédéric Lamoureux y trouve du bon. « Ce sera une manière de prolonger le festival », dit-il.

Consultez la programmation du festival

Coups de cœur du programmateur

Moran — Florence K

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Florence K

En direct du Lion d’Or, 5 novembre, 20 h, 10 $

« C’est un méga show où il y aura un paquet d’invités : Luce Dufault, Daniel Lavoie, Alexandre Désilets, Catherine Major, etc. Certains chanteront avec Florence K, d’autres avec Moran. C’est axé sur les duos, en toute simplicité. Ce n’est pas un show plein de paillettes : des belles voix, de la mélancolie, des harmonies. On aurait été un peu mal à l’aise de faire un show d’ouverture super festif, comme celui de FouKi et LaF l’année dernière. On touche aussi à un public un peu différent. »

Jukebox/Karaoké party

IMAGE FOURNIE PAR COUP DE CŒUR FRANCOPHONE

Extrait d’une vidéo karaoké de La Ruelle Films

Film participatif, 7 novembre, 19 h 15, 10 $

Coup de cœur francophone diffusera le documentaire-phénomène sur la vie de Denis Pantis, producteur qui a propulsé la pop québécoise dans les années 1960. Les extraits audio y sont accompagnés des paroles, au grand plaisir des chanteurs maison. « On va avoir un chatroom pour créer l’effet d’un bar-karaoké. Il y a quelque chose d’interactif, de festif. On a encore le droit d’avoir du fun. » Après le film, Stéphane Crête animera une soirée karaoké créée à partir de la trame sonore du long métrage. Les tubes La poupée qui fait non, Splish Splash et Twiste et chante, entre autres, prendront vie dans les salons sous les soins de La Ruelle Films.

Marie-Gold

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE L’ARTISTE

Marie-Gold

Concert préenregistré au Mexique, 6 novembre, 20 h, gratuit

La rappeuse montréalaise vit sa pandémie à Mexico, où elle fait un stage d’études. Le reconfinement partiel au Québec rendait compliqué — c’est peu écrire — sa visite dans l’une des salles montréalaises. « Elle a filmé son show là-bas et elle a fait un petit montage. C’est vraiment nice. Elle rappe sur le bord de l’eau, dans un genre de café extérieur avec des palmiers. C’est exotique, ça fait du bien. Ça apporte quelque chose de léger. Je la trouve vraiment bonne. »

Milles Piastres Please

En direct du Quai des Brumes, 14 novembre, 21 h, gratuit

« Le chanteur a un charisme de fou et écrit — c’est peut-être un peu gros de dire ça — dans la veine des Colocs. Quand c’est plus mélancolique, on touche parfois à la manière d’écrire de Richard Desjardins, ou un peu à celle de Pierre Flynn dans le temps de la Maudite machine. Il y a une sagesse dans les paroles de style “chanson québécoise des années 70”, et musicalement, il y a quelque chose de Canailles, drivé au bluegrass et aux violons. En show, ça va être fou raide. Côté découverte, allez regarder ça. »

Gab Bouchard — Zoo Baby

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Gab Bouchard

En direct du Ministère, 14 novembre, 20 h, gratuit

« Gab Bouchard vient de gagner une bourse [la Bourse Découverte du gala de l’industrie de l’ADISQ], alors le timing est bon. Lui et Zoo Baby sont deux chums qui trippent sur The Strokes, et ça paraît. Il y a une ligne conductrice. C’est dans les bons albums qui sont sortis cette année dans le keb indie rock, quoique Zoo Baby est plus dansant par moments. C’est mon petit coup de cœur un peu plus rock. Les deux artistes ont une belle plume et ont leur son propre à eux. »