Dumas et Dominique Fils-Aimé sont parmi les rares musiciens du Québec qui se produiront sur scène plusieurs fois cet automne. La reprise des spectacles vivants est lente, encore plus en musique qu’en humour. État des lieux.

Peu de musiciens peuvent se vanter de donner une douzaine de spectacles cet automne. C’est le cas de Dumas, qui interprétera l’intégralité de son album fondateur Le cours des jours, sorti en 2003.

Ses spectacles à La Tulipe du 30 septembre au 3 octobre sont complets, mais il reste des billets pour les supplémentaires du 21 au 23 octobre. D’autres dates ont aussi été annoncées pour Sherbrooke (Théâtre Granada) et Québec (Grand Théâtre).

« Jamais je ne m’attendais à une réaction aussi vive, confie Dumas. Mais juste avant de mettre les billets en vente, je me suis dit : si ça me manque, cela doit manquer à d’autres gens aussi… »

Pendant le confinement, Dumas avait abandonné son projet de faire renaître sur scène son grand album Le cours des jours… Mais quand le vinyle est sorti comme prévu lors de la Journée des disquaires en août, l’enthousiasme était trop palpable pour qu’il reste à la maison. Surtout que les rassemblements intérieurs de 250 personnes étaient autorisés et que sa maison de disques, La Tribu, est propriétaire de salles, dont La Tulipe.

Or, cette tournée, « ce n’est pas très lucratif ». « Pour moi, c’est important de dire que ce n’est pas la solution », précise Dumas.

Reste que le concept mis de l’avant pouvait fonctionner avec les contraintes de la Santé publique. « Ce sera un spectacle d’écoute, explique Dumas. Si je venais de sortir un album, je ne repartirais pas en tournée. Mais cela envoie un message positif, notamment à mes musiciens et à mon équipe de prod. Nous avons l’impression d’avancer. »

Sur scène, Dumas retrouvera les musiciens avec qui il avait partagé la scène à l’époque : Jean-Phi Goncalves à la batterie, François Plante à la basse, Vincent Rehel aux claviers et, bien entendu, Jocelyn Tellier à la guitare. « Ils ont tellement hâte de retourner sur un stage. »

Du bon pour le public

Dans le peu de spectacles — virtuels ou vivants — qui ont eu lieu depuis le début du déconfinement, c’est souvent le public qui en est ressorti gagnant. Les Cowboys Fringants à la télé pour la rentrée de Noovo ? Du jamais-vu. Marie-Mai en formule intimiste acoustique au MTelus devant 250 personnes ? Elle peut remplir le Centre Bell. Louis-Jean Cormier, Patrice Michaud et Vincent Vallières réunis sur la scène de l’amphithéâtre Cogeco pour le FestiVoix ? Avant la pandémie, cela aurait coûté très cher en cachets.

Parmi les autres spectacles prévus cet automne qui réunissent des artistes dans un cadre exceptionnel : la série L’histoire de mes chansons, qui aura lieu du 22 au 25 octobre à la salle Pratt & Whitney Canada du Théâtre de la Ville, à Longueuil. Chaque soir, une légende (Clémence DesRochers, Jean-Pierre Ferland, Stéphane Venne et Yvon Deschamps) aura droit à un hommage en compagnie d’autres artistes dans le cadre d’une soirée animée par Monique Giroux.

Joe Bocan, Marie Carmen, Marie Michèle Desrosiers, Luce Dufault, Sophie Faucher et Marie Denise Pelletier seront réunies sur scène pour Clémence DesRochers. « Les quatre représentations sont complètes », se réjouit le producteur Martin Leclerc.

Mais est-ce rentable ? Pas du tout. « Mais cela me permet de faire travailler des artistes », dit le producteur. C’est aussi une consolation pour les 400 spectacles que le producteur a dû reporter en 2021 et même en 2022 « pour décongestionner deux saisons en une ».

Martin Leclerc craint d’ailleurs l’effet d’« entonnoir ». « Nous continuons de travailler dans l’espoir que tout revienne en 2021. Mais dans certains cas, comme Adamo que nous avons reporté en avril à la Place des Arts, on se demande si nous ne devrions pas encore le reporter à l’automne. On ne sait pas si les artistes internationaux devront faire des quarantaines. Ce sont des coûts en plus. »

Malgré l’incertitude, Martin Leclerc produit tout de même quelques spectacles musicaux cet automne. Il y aura quelques représentations de L’anamour : Laetitia chante Hardy et du spectacle de Sophie Faucher en hommage à Frida Kahlo. Sans compter des spectacles de Brigitte Boisjoli ou Kaïn, notamment au Lion d’Or le 4 novembre. « On peut faire travailler les musiciens et c’est bon pour le moral », estime-t-il.

Il y a une valeur symbolique à tout cela. « Ce n’est pas payant, mais on maintient l’intérêt d’aller voir des spectacles. »

Pourquoi pas davantage ?

Les promoteurs evenko et Spectra – tous deux propriétés du Groupe CH – ne produisent que quatre spectacles musicaux vivants cet automne (du moins pour l’instant) : les trois spectacles acoustiques de Marie-Mai au MTelus, annoncés dans le cadre des Francos, et un autre de Jordan Officer au Lion d’Or.

evenko présentera néanmoins une dizaine de spectacles d’humour de Philippe Bond, Alex Perron, Korine Côté et Martin Perizzolo.

Or, il s’agit du plus important acteur de la scène musicale québécoise. En plus de produire des artistes et de les représenter, evenko et Spectra exploitent des salles comme le Centre Bell, le Corona, L’Astral et le MTelus.

Pourquoi, alors, ne pas produire davantage de spectacles cet automne ? Une question de rentabilité, encore une fois.

« Si tout va bien, le spectacle de Marie-Mai sera le premier d’une série », nous disait la semaine dernière Laurent Saulnier, vice-président, programmation et production chez Spectra. Mais il faut trouver une formule qui permet à tout le monde de ne pas perdre d’argent. »

C’est sans doute ce qui explique que, même si les rassemblements de 250 personnes sont permis, de nombreux artistes — dont Loud et Louis-Jean Cormier — ont préféré reporter leurs tournées.

Dominique Fils-Aimé persiste

Dominique Fils-Aimé donnera une douzaine de spectacles cet automne. « Dans plusieurs villes, on a pu déplacer le spectacle dans une plus grande salle pour permettre qu’il ait lieu malgré la distanciation », explique Catherine Simard, de la boîte La maison fauve.

Il n’était pas question de reporter la série de spectacles, surtout qu’un album sortira l’an prochain. « Elle est sur une lancée, elle vient de gagner un Juno, c’est sa première vraie tournée, on doit permettre au public de la découvrir en live même si ce ne sont pas les conditions parfaites. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Dominique Fils-Aimé

Le retour de l’humour

Force est de constater qu’il y a davantage d’humour que de musique à l’affiche cet automne dans les salles de la province.

« L’offre et la demande en humour sont abondantes, rappelle David Laferrière, directeur général et artistique du Théâtre Gilles-Vigneault, à Saint-Jérôme. Il y a beaucoup de spectacles prêts à tourner […] et les spectacles sont plus faciles à adapter. »

Le Théâtre Gilles-Vigneault présentera néanmoins trois spectacles musicaux cet automne (Steve Hill, Dominique Fils-Aimé, Lorraine Desmarais). Pour redonner envie aux gens de voir des spectacles, il y a aussi une programmation gratuite.

« Il faut garder un lien avec le public », fait valoir David Laferrière.

Or, « garder ce lien » n’est pas rentable… Le Théâtre Gilles-Vigneault compte 860 places. Avec les règles sanitaires de distanciation physique, il peut accueillir 210 personnes. « Ce n’est pas viable économiquement. », résume le directeur.

« On veut aussi y aller tranquillement, poursuit David Laferrière. Ce n’est pas la folie au niveau de la vente de billets. Il faut laisser aux gens le temps de réapprivoiser les lieux. »

Si les spectacles restent peu nombreux, chacun est un pas en avant, plaide-t-il néanmoins.

David Laferrière, du Théâtre Gilles-Vigneault, est aussi président du conseil d’administration de l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles, qui a dévoilé il y a quelques jours les détails d’une étude (réalisée par la firme AppEco) sur les pertes des salles de spectacles depuis le début de la pandémie. Résultat : l’annulation ou le report de 3700 représentations dans 350 salles de la province entre le 12 mars et le 30 juin a entraîné des pertes en billetterie de 17 millions.