Parfois, une chanson s’installe dans notre cœur pour toujours. Au cours des prochaines semaines, des personnalités raconteront l’histoire qui se cache derrière une œuvre qui les habite depuis des années.

Louise Portal suit la carrière de Charles Aznavour depuis sa tendre enfance au Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Je me souviens très bien de lui quand il venait en spectacles à Chicoutimi », dit celle qu’on a vue récemment dans les séries Trop et Cheval-Serpent. « Puisqu’il était aussi acteur, il incarnait chacune de ses chansons comme s’il leur donnait de nouvelles couleurs avec un pinceau. »

Quelques années plus tard, alors qu’elle était pensionnaire aux Ursulines à Québec, elle et ses camarades ouvraient les fenêtres, la nuit, pour entendre les jeunes chansonniers qui habitaient dans les appartements du Vieux-Québec. « On souhaitait vivre cette vie d’artiste. Au milieu des années 60, les Québécois regardaient beaucoup vers la France, comme si c’était un eldorado francophone. On rêvait de Paris. »

La bohème la replonge instantanément à l’époque de ses 18 ans, quand elle est arrivée à Montréal et qu’elle rêvait de devenir actrice. « J’avais été refusée au Conservatoire d’art dramatique et à l’École nationale de théâtre, mais je suis déménagée à Montréal quand même. Il n’était pas question que j’abandonne mon rêve. Je me suis dit que j’allais me présenter aux auditions l’année suivante. » Entre-temps, elle a gagné un prix d’interprétation en jouant dans une pièce au cégep du Vieux Montréal, durant la première année des cégeps. « Cette année-là, j’ai fait mon premier voyage à Paris. À mon arrivée à Montmartre, j’ai ressenti un effet wow ! »

Aujourd’hui, lorsqu’elle réécoute La bohème, elle devient très émotive. 

C’est ça, l’effet d’une grande chanson : elle touche une facette d’une personne qui s’identifie au texte et qui demeure immuable. La réentendre ne me vieillit pas.

Louise Portal, à propos de La bohème, de Charles Aznavour

Les paroles lui font aussi réaliser à quel point elle a été choyée. « Je dirais même désignée pour faire ce métier-là. Ça fait 50 ans que ça dure. Je n’ai jamais su de quoi seraient faits mes lendemains, mais j’ai toujours eu confiance », explique l’actrice qu’on verra l’automne prochain dans l’adaptation cinématographique du roman de Jocelyne Saucier Il pleuvait des oiseaux.

Cela dit, elle affirme qu’elle n’a plus la même fougue qu’autrefois. « Quand on est jeune, on a tellement d’énergie créatrice. C’est important de se réaliser. Ce sont des années pour ça, la vingtaine, la trentaine et la quarantaine. Avec le temps, mon ambition a changé de territoire. »

Vers l’âge de 50 ans, Louise Portal a commencé à observer sa vie avec du recul comme dans La bohème. « Je regarde davantage derrière que devant. Mon ambition pâlit. Ce que j’avais à réaliser est pas mal accompli. La vie se charge de nous montrer doucement que nous allons devoir tirer notre révérence. Évidemment, la cinquantaine, c’est encore jeune. Sauf que dans mon milieu professionnel, si tu n’es plus la saveur du jour ou si tu prends de l’âge, tu es emportée ailleurs. C’est très important de l’accueillir et de l’accepter. »