Le swing et ses diverses incarnations entreront à la Maison symphonique le temps d’un « concert éclaté » qui aura lieu demain soir. Nous avons assisté à une répétition de l’OSM mercredi, avec Kent Nagano et les deux solistes invités, Pierre Lapointe et Catherine Major.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Pierre Lapointe se concentrera uniquement sur son rôle d’interprète. « Je ne suis pas assez bon pianiste », dit le chanteur, qui explique avoir été grandement influencé par Kurt Weill. « Quand j’ai commencé à écrire des chansons, j’étais obsédé par Kurt Weill. Comme compositeur, il a été un des premiers à faire le pont entre la musique classique et la grande chanson populaire. Ça m’émeut et ça a marqué ma façon de travailler à plusieurs niveaux. J’ai accepté l’invitation de l’OSM parce que c’est naturel pour moi, je sens un lien familial. Je ne me compare pas à Weill, mais je suis comme un petit enfant [devant] cette façon de penser. »

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C’est à Catherine Major que revient la pièce de résistance de la soirée. Elle tient le rôle principal dans Les sept péchés capitaux, de Kurt Weill et Bertolt Brecht, traduit en français par Réjean Ducharme. En l’observant en répétition face aux musiciens de l’OSM, on se dit qu’elle doit se sentir bien seule. « C’est impressionnant, mais je me sens plutôt bien, car j’ai fait mes devoirs, confie la chanteuse pendant une pause. C’est une œuvre complexe, entre autres pour une question de tonalité. Disons que c’est dans ma zone de confort éloignée, mais c’est bien, ça m’apprend quelque chose. Les pantoufles, c’est le fun, mais ce genre de défi aussi. »

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C’est une Lorraine Pintal enthousiaste qui assistait à la répétition mercredi. La directrice du TNM a fait la « mise en espace » des Sept péchés capitaux, pièce dans laquelle on suit le périple d’Anna, jeune femme à la double personnalité. « La pièce avait été chorégraphiée par Balanchine, il y a une aura autour de cette œuvre », dit Lorraine Pintal, qui raconte que seule Pauline Julien a eu « le front » de s’y attaquer ici. « Avec la danseuse, comme c’était prévu. » Ce ne sera pas le cas samedi – ainsi, c’est Catherine Major qui incarnera les deux Anna. « J’ai travaillé avec Catherine pour lui donner des repères. Mais on est dans le minimalisme… Ce sont de tout petits signes qui permettent de mieux suivre l’histoire. »

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Catherine Major a une formation classique et est à l’aise avec les concerts symphoniques. Pendant la répétition, elle a même fait remarquer un tout petit détail à Kent Nagano, une affaire d’un demi-ton qui change tout… « On n’avait pas la même partition ! », confirme la chanteuse en souriant. Sa connaissance de la musique, elle en est consciente, est une assurance pour le chef. « Pour ce genre d’œuvre, il faut avoir confiance, sinon on ne s’en sortirait pas. Il doit avoir une certaine sécurité, et comme c’est complexe au niveau de l’orchestration, ça lui permet de se concentrer là-dessus. »

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Dans Les sept péchés capitaux, un chœur formé de quatre chanteurs commente l’action. Mathieu Abel, deuxième en partant de la gauche, en fait partie. « C’est une pièce vocalement difficile pour tout le monde, dit-il. C’est très aigu quand même. » Un commentaire qui revient souvent par rapport à la musique de Kurt Weill – pour interpréter Youkali, Pierre Lapointe a même demandé l’autorisation de la faire baisser d’un ton, demande qui a été acceptée par l’éditeur de Kurt Weill. « J’ai compris pourquoi aucun homme ne la chantait ! », lance-t-il. Par ailleurs, si la partition des Sept péchés capitaux est complexe, « l’orchestre a de plus grands défis que nous », ajoute Mathieu Abel, qui aime que l’OSM propose une soirée plus jazzy.

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Il n’y aura pas que Brecht au programme, puisque la soirée va de l’Ebony Concerto pour clarinette et ensemble swing de Stravinski à In the Mood de Joe Garland. L’ambiance cabaret sera légèrement recréée, avec costumes, tables et figurants, alors que le public est invité à rester après le concert pour danser au son d’un orchestre swing. « Je connais des gens qui suivent des cours juste pour cette soirée ! lance Catherine Major. C’est une belle plongée dans ces années, comme si l’orchestre ouvrait les bras à un peu de folie. » 

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Catherine Major en grande discussion avec Lorraine Pintal et la répétitrice Esther Gonthier. « Esther a fait un enregistrement au piano pour que je puisse travailler chez moi. À la base, je savais que ce projet me demanderait plus de travail », dit la chanteuse, qui a tout appris par cœur « pour ne pas être à la merci » de ses partitions. Si c’est beaucoup d’énergie pour un seul soir, elle a tout de même le goût de recommencer. « J’aimerais explorer davantage le théâtre musical. L’écriture pour orchestre me titille aussi un peu », dit la chanteuse qui ne refuse jamais un projet symphonique. « Je vais chanter mes chansons avec l’OSQ bientôt et c’est un plaisir renouvelé de me retrouver dans cet univers. »

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C’est la première fois que Pierre Lapointe collabore avec Kent Nagano. Mais il est, comme Catherine Major, un habitué des spectacles symphoniques… et même de la Maison symphonique. Il y a monté plusieurs projets, et y retournera d’ailleurs pendant les Francos pour présenter La science du cœur avec l’Orchestre Métropolitain. « C’est une salle que j’aime beaucoup, qui impose une autre sorte d’écoute dans le public. Je suis obsédé à l’idée de faire un travail en dehors des modes, et cette salle incarne bien ça. Quand tu rentres dans la Maison symphonique, tout devient précieux. » Il a donc évidemment hâte au concert de demain. « Tout ce qu’on vit là est une sorte de moment magique. »