Du haut de sa toute jeune vingtaine, un album tout juste sorti, Lou-Adriane Cassidy n'a pas de plan précis pour la suite de sa carrière naissante. Pas parce qu'elle est indécise, mais parce que, pour elle, tout est possible. Sur la scène du Grand Théâtre de Québec hier, elle a en tout cas démontré que sa place est bel et bien sur scène. Elle jouera ce soir à la Sala Rossa, à Montréal.

Il est un peu plus de 20 h. Dans les coulisses de la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec, Lou-Adriane Cassidy et ses quatre musiciens se préparent à monter sur scène. Ça jase de tout et de rien, puis, plus le temps avance, ça commence à jaser du moment qui se rapproche, avec une certaine fébrilité.

«Je savais depuis longtemps que [le concert] s'en venait, mais ç'a tout le temps été quelque chose de vraiment lointain», a révélé Lou-Adriane quelques instants avant. Cet événement abstrait devenu bien réel et imminent semblait faire bouillonner tout un paquet d'émotions chez l'auteure-compositrice-interprète de 21 ans.

Lou-Adriane Cassidy jouait à domicile hier soir. Pour la première fois depuis la sortie de cet album qui a fait découvrir au monde ce qu'elle a à offrir, C'est la fin du monde à tous les jours. «C'est sûr que c'est spécial parce que c'est dans ma ville. Mais je ne veux pas me mettre trop de pression avec ça», a-t-elle indiqué, laissant toutefois transparaître un brin de nervosité. 

À sa place

On annonce qu'il ne reste que cinq minutes avant l'entrée en scène. Les accolades et les mots d'encouragement se succèdent jusque derrière les rideaux.

Puis, Lou-Adriane, Simon, Vincent, Jessy et Pierre-Emmanuel montent sur la grande scène de la petite salle Octave-Crémazie et mettent en marche le spectacle. 

Lou-Adriane Cassidy a une voix d'une maturité bouleversante, un timbre unique. Guitare à la main, pieds nus - «j'ai oublié mes souliers» -, elle est à sa place, là-haut, sur scène. 

Elle fait rire le public, improvise, mais surtout, chante avec beaucoup de justesse.

Elle est née dans la chanson, dans les accords et les vers de ses parents musiciens. Peut-être que c'est ce qui fait qu'elle est si habile de sa musique. Mais la bonne génétique ne peut pas tout. Il y a quelque chose qui semble relever de l'instinct dans la façon dont elle interprète ses couplets. Et l'aplomb ainsi que le savoir-faire de ses musiciens polissent le tout.

Collaborer pour mieux créer

«Pour moi, Québec, c'est le vrai début», a dit Lou-Adriane, juste avant sa performance. Le concert d'hier était un marqueur, «comme un spectacle de lancement» qui n'en est pas vraiment un, puisque l'album est sorti début février et que Lou-Adriane a fait «quelques petits shows» depuis. Elle a décidé de ne pas se prêter au jeu de l'événement de grande ampleur désigné pour marquer la mise en circulation de l'album, ne trouvant pas d'utilité à un lancement.

Faire comme tout le monde, ce n'est pas son truc. Ça transpire dans sa démarche, dans sa façon de parler de son métier, aussi. Comme lorsqu'elle parle du rôle d'interprète. «C'est très bien, mais un peu survalorisé» de tout faire soi-même dans la création, estime Lou-Adriane, qui considère la collaboration artistique comme «vraiment nourrissante». 

«De reconnaître ses faiblesses, c'est une bonne chose, et reconnaître les talents des autres aussi. Ça permet d'apprendre de leur expérience. Je pense que c'est important et qu'on a tendance à vouloir passer à côté de ça, par orgueil des fois.»

Les textes de son album, ils devaient au départ être écrits par d'autres, interprétés par elle. Finalement, Lou-Adriane Cassidy s'est prêtée au jeu de l'écriture en s'alliant à d'autres faiseurs de refrains, Tire le coyote, Philémon Cimon, Rebecca Leclerc et Stéphanie Boulay.

Elle n'a donc commencé à écrire ses textes qu'un peu plus d'un an avant la parution de son album (sur lequel elle signe ou cosigne la majorité des titres). «Je trouve ça intéressant comme processus, parce qu'un premier album, souvent, c'est quelque chose qui vient d'un travail de plusieurs années. Mais mon processus à moi a été de courte durée, et c'est plus représentatif du moment auquel je l'ai sorti», constate Lou-Adriane.

Considère-t-elle revenir à l'idée d'un album complètement écrit par d'autres paroliers pour un prochain projet, comme elle l'avait initialement voulu? «Je suis ouverte à tout, lance-t-elle, simplement. Je trouve le fun de toucher à tout.»

Pas de but précis

Si sa curiosité artistique lui permet de se laisser toutes les portes ouvertes, Lou-Adriane Cassidy avoue même ne «pas savoir exactement c'est quoi, [son] affaire». Pas parce qu'elle est désorientée, mais parce qu'elle semble carburer à cette envie d'expérimenter et de grandir à travers ses essais.

«Je n'ai pas le goût de me mettre un but précis, j'ai envie de suivre mes envies, d'aller au bout de mes idées», explique-t-elle. C'est ce qui a fait naître C'est la fin du monde à tous les jours. Ce qui fait qu'elle était sur scène au Grand Théâtre hier et qu'elle passera par plusieurs salles de la province au cours des prochains mois pour y faire voyager sa musique.

Dans ses refrains, Lou-Adriane chante la vie et l'amour, avec une certaine mélancolie. Comme dans la première chanson qu'elle a interprétée sur scène hier, la plus connue de l'album, Ça va ça va. C'est le premier extrait que la chanteuse a fait paraître, fin 2017.

Déjà, ce premier jet avait retenti. Juste avant, Lou-Adriane Cassidy était passée par l'émission La voix, en 2016. Un an plus tard, elle s'était démarquée au Festival en chanson de Petite-Vallée, elle avait été finaliste au Festival de la chanson de Granby, puis finaliste aussi aux Francouvertes, en 2018. 

Grâce à ce parcours, C'est la fin du monde à tous les jours était attendu. Son nom noircissait les listes d'artistes à découvrir avant la parution du disque, l'attention était déjà tournée vers elle. «J'espérais juste que l'album soit bien reçu et j'ai commencé à voir des articles qui disaient qu'il était très attendu. La pression est venue une fois que je ne pouvais plus rien faire», explique-t-elle.

Lou-Adriane n'a pas déçu, l'opus a été acclamé. Il vient d'être récompensé de deux prix RIDEAU, dont celui des diffuseurs européens qui lui permettra de rouler sa bosse sur le Vieux Continent l'an prochain. Mais la jeune artiste veut prendre son temps. «Je commence au Québec, je me développe tranquillement, l'album vient de sortir », dit-elle, avouant ne pas avoir « de but précis ou de rêve en Europe». 

Terre à terre et poétique à la fois, oxymore personnifié, Lou-Adriane n'a pas fini de surprendre.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Lou-Adriane Cassidy est née dans la chanson, dans les accords et les vers 
de ses parents musiciens.