(Montréal) Il n’y aura pas d’action collective pour indemniser les festivaliers frustrés du retard sur scène du rappeur Travis Scott lors du festival Osheaga en août 2018.

Le juge André Prévost de la Cour supérieure a entendu la demande d’autorisation de l’action et, en juin dernier, a refusé de lui permettre d’aller de l’avant.

« Il s’agit d’un jugement d’intérêt pour l’industrie du divertissement », a souligné en entrevue Me Myriam Brixi, avocate chez Lavery Avocats, qui a mené ce dossier pour l’entreprise evenko. Il dit aux organisateurs de spectacles qu’ils ont une marge de manœuvre raisonnable lorsqu’il y a des imprévus.

Et puis, il s’agit de la première demande d’autorisation d’une action collective au Québec pour un retard lors d’un spectacle, ajoute l’avocate qui a plaidé le dossier avec succès.

Dans cette histoire, Megan Le Stum, une étudiante universitaire, s’est procuré au coût de 327 $ une « passe week-end admission générale » pour le festival de musique qui se tenait à Montréal en août 2018, au parc Jean-Drapeau.

Elle se décrit comme une grande admiratrice de Travis Scott, « l’un des rappeurs les plus populaires du monde musical ».

C’est en raison de sa présence à Osheaga qu’elle dit avoir acheté une passe week-end. Le 3 août 2018, Travis Scott devait offrir une performance à 21 h 45 pour 70 minutes.

Or, le soir tant attendu, les choses se gâtent.

À peu près au moment où il devait se présenter sur scène, ses admirateurs voient plutôt apparaître un message sur grand écran les avisant qu’il est en retard. Puis, 15 minutes plus tard, vers 22 h 15, un message leur indique qu’il a été retardé aux douanes, mais qu’il est en route vers le parc. D’autres messages seront affichés par la suite.

L’étudiante, jugeant que la foule devenait agressive, quitte avec ses amis le site du festival vers 22 h 30, disant avoir peu d’espoir que l’artiste se produise vu l’approche du couvre-feu du site, fixé à 23 h, est-il rapporté dans la décision.

Finalement, le rappeur apparaît sur scène à 23 h 2 et son concert se termine à 23 h 40. Une prestation d’environ 40 minutes, moins que les 70 annoncées.

L’étudiante réclame alors à Gestion evenko, qui se spécialise dans la production de festivals et d’événements musicaux, une somme de 115 $ par festivalier. evenko n’a pas respecté sa part du contrat, allègue-t-elle.

Mais le juge ne donne pas suite à ses doléances.

« D’abord, le tribunal refuse de réduire l’expérience du festival Osheaga à une seule performance, même celle d’une tête d’affiche », a expliqué en entrevue Me Brixi.

Les détenteurs de laissez-passer week-end bénéficient de la possibilité d’assister à la prestation de 132 artistes au cours des trois jours du festival, écrit le magistrat. Il y a plusieurs scènes, de façon concomitante, et aussi des manèges et diverses autres activités, ajoute l’avocate.

« Si, comme le prétend Mme Le Stum, la prestation de Travis Scott était la considération principale l’ayant conduite à participer au (festival), alors pourquoi a-t-elle acheté une passe pour trois jours plutôt que pour la seule journée du 3 août ? Pourquoi avoir dépensé 320 $ plutôt que seulement 115 $ ? », demande le magistrat dans sa décision.

Et puis, « la décision de quitter le site vers 22 h 30 était la sienne : rien ne l’y forçait », ajoute-t-il.

Le juge Prévost note aussi qu’un retard dans la présentation d’une prestation d’un artiste « n’est pas chose exceptionnelle ». Il note que l’organisateur avait pris le soin de préciser, dans sa programmation et sa publicité, que non seulement l’horaire, mais aussi les artistes, sont « sujets à changement ».

Le tribunal conclut que le dossier constitué par Mme Le Stum ne démontre pas le défaut d’evenko de respecter ses obligations contractuelles envers elle.

« La décision est d’importance pour l’industrie de l’événementiel en ce qu’elle reconnaît que l’organisateur d’un événement d’envergure doit parfois faire face à des imprévus et qu’il dispose d’une marge de manœuvre raisonnable pour s’ajuster », explique Me Brixi, spécialisée notamment dans les dossiers d’actions collectives.

« Bien sûr, chaque situation sera un cas d’espèce, mais un promoteur bien avisé prendra soin d’indiquer dans sa documentation que des changements sont possibles », poursuit-elle.

Il est à noter qu’il n’y a pas eu de procès dans cette affaire, le juge Prévost ayant refusé que l’action aille de l’avant. Le dossier a donc pris fin à l’étape de l’autorisation. Et le jugement n’a pas été porté en appel.