Pierre Lapointe a le sens du décorum et du sacré. Tant qu’à mettre un point final à sa tournée La science du cœur, il a choisi de le faire à la Maison symphonique, avec l’Orchestre Métropolitain sous la direction de Russell Martin, question de donner un aspect cérémonial à la chose. La première des deux soirées avait lieu hier, pendant laquelle la richesse de la musique de Pierre Lapointe a rempli tout l’espace.

Pendant la tournée La science du cœur qui a commencé il y a plus de deux ans, on ne retrouvait que deux autres personnes sur scène avec Pierre Lapointe : un pianiste (Philip Chiu, qui l’accompagnait aussi hier) et un joueur de marimba. Le résultat était surprenant, certes, mais procurait un pur ravissement, et surtout, le spectacle était réussi.

Alors, pourquoi changer une formule gagnante ?

Le chanteur a repris exactement les mêmes ingrédients, soit le même nombre et le même ordre de chansons tirées de ses albums La science du cœur et Paris Tristesse, et en a seulement changé la sauce.

Ainsi, pas d’impression de redite, tellement les nouveaux arrangements symphoniques créés par David François Moreau, complice de la première heure de Pierre Lapointe depuis les premiers jets du disque jusqu’à ces deux derniers spectacles, sont profonds et pleins de surprises.

Il y a quelques années au même endroit, le spectacle en solo de Pierre Lapointe mettait d’abord de l’avant les mots de l’auteur. Hier, c’est le compositeur qui était à l’honneur, avec ses mélodies lyriques et romantiques, ses ambiances cinématographiques et ses élans de tristesse, le tout mis en valeur avec doigté par des arrangements respectueux de l’univers de chaque pièce.

Une montée lente et grave dans Nu devant moi, une chevauchée épique dans Les sentiments humains, de la musique répétitive dans Zoplicone et Sais-tu vraiment qui tu es, de folles notes de piano dans Le halo des amoureux, chaque fois, c’était savamment orchestré pour rendre justice aux compositions du chanteur – même sa voix était plus effacée que d’habitude, bien que chargée de chaque nuance, de chaque variation dans les intentions.

À plusieurs moments, l’intensité de l’interprétation de Pierre Lapointe jumelée à la densité de la musique a littéralement soufflé le public, qui a signifié bruyamment son contentement. « C’est beau, hein ? », a-t-il demandé après Je déteste ma vie, lui-même visiblement emporté par le moment.

La science du cœur, c’est la plus belle des matières avec laquelle j’ai travaillé.

Pierre Lapointe

Un spectacle de Pierre Lapointe ne serait pas un spectacle de Pierre Lapointe sans quelques interventions amusantes, même si elles ont été plus limitées, cette fois-ci. Mais c’est tout de même réjouissant de le voir être humain, lui qui est si en contrôle, et laisser échapper un tabouret, faire une présentation au mauvais moment ou avoir beaucoup, beaucoup de difficulté à entrer dans Alphabet au bon moment à travers le rythme effréné de l’orchestre. Et de le voir s’en amuser.

La soirée s’est terminée sur une de ses plus vieilles chansons, Pointant le nord, chanson toute délicate qui annonçait déjà l’éclosion de ce talent qui, quelque 15 ans plus tard, n’en finit plus de surprendre, de ravir et d’offrir de purs moments de communion avec la musique. C’est rare.

Pierre Lapointe présente de nouveau La science du cœur avec l’Orchestre Métropolitain, ce soir, à la Maison symphonique.