Dans le vidéoclip pour Majesty, qui a déjà récolté près de 200 000 vues sur YouTube en moins d'une semaine, on trouve: une toile de fond majestueuse (gracieuseté des grands espaces québécois), des scènes de style western à la sauce urbaine et un scénario éclaté, limite psychédélique. La Presse s'est entretenue avec le trio montréalais derrière la création, le DJ Apashe, le rappeur Wasiu et le réalisateur Adrian Villagomez. Décryptage.

Dans le vidéoclip pour Majesty, qui a déjà récolté près de 200 000 vues sur YouTube en moins d'une semaine, on trouve une toile de fond majestueuse (gracieuseté des grands espaces québécois), des scènes de style western à la sauce urbaine et un scénario éclaté, limite psychédélique. La Presse s'est entretenue avec le trio montréalais derrière la création, le DJ Apashe, le rappeur Wasiu et le réalisateur Adrian Villagomez. Décryptage.

Le clip

La genèse

Tout commence par une soirée en Russie, durant la tournée d'Apashe. Lui et le photographe Adrian Villagomez sont au centre-ville de Moscou lorsqu'ils croisent des passants à cheval. «On leur a demandé si John [Apashe] pouvait monter sur un cheval, ils ont accepté et j'ai pris des photos», raconte Adrian Villagomez. Une idée de vidéoclip naît de ce visuel qui se rapporte parfaitement au «côté majestueux de la chanson» Majesty. Quelque temps plus tard, de retour à Montréal, les deux amis reparlent, d'abord à la blague, de cette idée de clip qui tourne autour d'Apashe et de Wasiu sur des chevaux. «À un moment, on s'est juste dit qu'on le faisait», dit Apashe. Le DJ souhaite garder un côté «street» dans le concept: ils décident donc que tous les protagonistes seront vêtus d'habits colorés de sport Adidas. «On s'est dit que ça allait faire un beau clash, que ça apporterait un contraste avec le décor épique», note Adrian Villagomez. Le succès de Majesty, dont la version sans clip sortie en février accumule près de 5 millions de vues sur YouTube, les a encouragés à ne pas se mettre de barrières dans la création du clip. «On ne s'est pas imposé de filtre, on ne s'est pas dit que c'est absurde et qu'on n'allait pas le faire, on est plutôt allé dans le sens contraire», commente le réalisateur. En résulte un produit «un peu incongru, mais qui marche bien».

Le texte

Un monde nouveau

Le jeune DJ d'origine belge Apashe n'en était pas à sa première collaboration avec Wasiu. Ce dernier avait prêté sa voix à un premier morceau, The Landing, en 2016. L'hiver dernier, alors qu'il concoctait l'EP Requiem, il a recontacté Wasiu. «Il m'a dit qu'il travaillait sur son album, qu'il allait m'envoyer des chansons, et de lui dire laquelle j'aimais», raconte le rappeur. Il écoute alors Majesty, le premier des trois instrumentaux de l'EP, qu'Apashe lui fait parvenir. «Je n'ai même pas écouté le reste, après 10 secondes, j'avais décidé, dit Wasiu. Je lui ai dit que je voulais celle-là.» Tout en souhaitant lui laisser la liberté de créer à sa guise, Apashe donne à Wasiu quelques indications: il lui parle de la pièce originale sur laquelle il s'est basé, Rex tremendae majestatis, signée Mozart. L'EP est un hommage au Requiem du grand compositeur viennois, et Apashe tient à ce qu'il y ait une référence directe. De là, Wasiu écrit un texte qui traite de «la mort de l'ordre ancien et d'un monde nouveau qui s'ouvre». «Ça s'inspire de ce qu'Apashe fait, ajoute-t-il. Il prend la musique classique, y met sa touche, la modernise et crée un nouveau commencement sur les fondations du passé.»

Le tournage

Miser sur le visuel

Fin octobre, l'équipe prend la route, direction L'Anse-Saint-Jean, au Saguenay, où le tournage s'est fait en un peu plus de deux jours. Là-bas, ils sont allés à la rencontre d'«un vieux cowboy», Jean, qui a un centre équestre «beaucoup moins carré que ceux en ville», raconte Adrian Villagomez. «Les chevaux se promènent en liberté, il les appelle en sifflant et ils sortent des bois», illustre-t-il. Le décor qu'offre ce coin de pays au caractère typiquement québécois se prête parfaitement à l'expérience visuelle que le duo veut tenter. La scénographie leur offre le grandiose et le majestueux qu'ils recherchent. Ainsi, autant par la toile de fond qu'à travers la trame narrative, simple et psychédélique à la fois, le vidéoclip transporte dans un autre monde. Les effets visuels y sont également pour beaucoup: l'étalonnage de couleurs donne à la nature des teintes de rose et les images, vibrantes, semblent tout droit sorties d'un rêve. «On s'est inspirés d'autres producers de musique électronique qui s'amusent beaucoup en ce moment avec le décalage de couleur, explique Adrian Villagomez. Mais on est aussi allés avec le côté western et vintage, qu'on ne trouve pas beaucoup dans le milieu électronique.»

L'intrigue

Un tableau de chevaux

Les plans de paysages, pittoresques et majestueux, se succèdent. Wasiu, sur un cheval, se met à réciter ses vers. Apashe vient à sa rencontre, lui aussi sur sa monture. Ils sont sur une quête. Plus tard, ils rencontrent trois jeunes femmes. D'abord hostiles, elles deviennent des alliées. Chacun se prépare à la bataille, et une scène finale montre les acolytes traverser un champ au galop, vers l'aventure qui les attend, dont on ne sait pas grand-chose. Adrian Villagomez raconte qu'ils ont voulu garder l'histoire la plus simple possible, pour ensuite s'amuser et y incorporer des éléments un peu décalés et absurdes. Apashe qui repasse sa veste Adidas en pleine forêt, par exemple, ou qui dégaine une banane plutôt qu'une arme. Le vidéoclip se termine sur un retour à la réalité, dans un salon, où Wasiu et Apashe fixent une toile de chevaux au galop. «John a cette peinture chez lui que j'ai toujours adorée, qui est un peu quétaine, mais que je trouve super belle», explique Adrian Villagomez. C'est autour de ce tableau, finalement, qu'est axée l'intrigue: «On les voit en train de regarder la peinture et on réalise qu'ils sont en train de s'inventer une histoire dans leur tête à partir de la peinture.»

Photo Adrian Villagomez, fournie par la production

Prise pendant la tournée du DJ, cette photo d'Apashe à cheval au centre-ville de Moscou a inspiré le vidéoclip de Majesty.

Le grand défi

Travailler avec les chevaux

Axer le vidéoclip autour des chevaux était le pilier de leur concept. Mais les chevaux, «ils ne t'écoutent qu'à moitié, ils font ce qu'ils veulent, alors qu'on voulait des choses spécifiques», raconte Apashe en riant. «Pour ma part, je suis habitué à travailler à l'épaule, à faire des choses plus organiques, mais là on devait shooter sur trépied», explique Adrian Villagomez. Tout devait être orchestré pour que les chevaux se rendent là où il les voulait, laissant peu de place à l'improvisation. De plus, les animaux ne pouvaient travailler dans la noirceur. Impossible donc de filmer tôt le matin ou après le coucher du soleil, ce qui a amputé beaucoup de temps au tournage. Il y avait aussi Wasiu, qui n'était jamais monté à cheval. «Quand on est arrivés à L'Anse-Saint-Jean, il n'y avait pas d'entraînement, on a tout de suite commencé à filmer, relate le rappeur. J'avais un peu peur, mais ça a vraiment bien été.» Jean, le «cowboy» du centre équestre, et son équipe ont été d'une grande aide. En quelques jours, tout le monde est devenu très habile sur sa monture, ce qui a bien servi la dernière scène qui a été tournée, le grand galop final. «On dit qu'il est difficile de travailler avec des animaux ou des enfants, rappelle Adrian Villagomez. Il y a eu plein d'imprévus, mais on voulait un clip à cheval, et on l'a eu.»

Photo Adrian Villagomez, fournie par la production

Le rappeur Wasiu pendant le tournage du vidéoclip de Majesty