En visant un concert de musique country, l'assaillant de Las Vegas a touché l'un des symboles de la culture traditionaliste américaine qui célèbre régulièrement le droit de détenir des armes à feu.

La fusillade de dimanche, la plus meurtrière de l'histoire américaine moderne, s'est déroulée pendant la prestation de la star du country Jason Aldean, qui se fait dans ses chansons le messager des heurts et malheurs de la classe ouvrière.

Un temps cantonné aux anciens États confédérés, le country a connu un essor rapide à travers les États-Unis au cours de la dernière décennie. Jason Aldean était la tête d'affiche de la quatrième édition du festival Route 91 Harvest sur le célèbre «Strip» de Las Vegas.

L'auteur-compositeur, qui injecte des accents R&B et hip-hop dans sa musique, a su toucher le coeur de l'Amérique avec des chansons comme Fly Over States, un récit sur des hommes prenant l'avion en première classe de New York à Los Angeles mais ne connaissant rien de l'intérieur du pays.

Dans They Don't Know, titre-phare de son dernier album, il parle de ceux qui viennent d'ailleurs et conduisent le long des fermes sans voir «le sang, la sueur et les larmes qu'il a fallu verser pour vivre ces rêves».

Le natif de Géorgie âgé de 40 ans a confié l'an dernier au magazine Rolling Stone Country que Donald Trump s'était hissé à la Maison-Blanche en parlant aux «hommes ordinaires qui vont travailler et veulent une vie normale pour leur famille», mais qui se sentent oubliés.

Les autorités n'avaient pas encore déterminé lundi après-midi les motivations de Stephen Paddock, le tireur de 64 ans qui s'est suicidé dès dimanche soir, mais les concerts sont de plus en plus fréquemment la cible d'attaques.

En mai, une bombe a explosé lors d'une performance à Manchester de la star de la pop Ariana Grande, dont le public est composé principalement de fillettes et d'adolescentes. En novembre 2015, le Bataclan à Paris a été le théâtre d'une fusillade sanglante pendant un concert du groupe de rock Eagles of Death Metal.

Plus patriotes

D'après les études, plus de 90% des amateurs de musique country sont des Blancs et ils sont particulièrement nombreux dans le sud et les vastes plaines du centre du pays.

Un sondage du cabinet Nielsen l'an dernier constatait également qu'ils étaient relativement âgés, avec une moyenne des spectateurs aux concerts approchant les 45 ans.

Depuis l'élection du président Donald Trump, les stars du country ont compté parmi les rares artistes à tenir quelques mots aimables envers le magnat de l'immobilier populiste, bien que plusieurs d'entre eux, y compris Jason Aldean, aient préféré s'abstenir de tout commentaire politique.

Le sénateur Ted Cruz, rival malheureux de M. Trump pour l'investiture républicaine, a résumé la connotation politique de ce genre musical quand il a déclaré avoir cessé d'écouter du rock pour passer au country parce qu'il trouvait que ses vedettes s'étaient montrées plus patriotes après les attentats du 11 septembre 2001.

L'un des thèmes de prédilection de cette musique, ce sont les armes à feu auxquelles l'Amérique rurale est très attachée et s'oppose à tout resserrement législatif sur le droit d'en acquérir.

Justin Moore, sur son album de 2011 Outlaws Like Me, se lamente : «Certains veulent nous les prendre/Pourquoi n'allez-vous pas plutôt dénicher ceux qui vendent du crack?».

La méga-star Blake Shelton a repris il y a quelques années un titre d'Aaron Lewis intitulée Granddaddy's Gun, regard affectueux sur les armes transmises de génération en génération.

MM. Moore et Shelton font partie des premières vedettes du country à avoir réagi après l'attaque de Las Vegas, tout en se gardant de tout commentaire politique.

Miranda Lambert, l'une des stars féminines du genre et dont les titres comprennent Time to Get a Gun ou Gunpowder and Lead, a tweeté l'image d'un coeur brisé.

Jason Aldean a quant à lui qualifié sur Instagram l'attaque de «plus qu'horrible», ajoutant avoir «le coeur brisé à la pensée que cela soit arrivé à ceux qui voulaient juste profiter de ce qui aurait dû être une belle nuit».

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Jason Aldean