C'était une condition d'achat pour le chanteur, musicien et réalisateur Éric Goulet : avoir une pièce assez grande pour y aménager son propre studio d'enregistrement. Il a trouvé ce qu'il cherchait il y a quelques mois et y a installé son antre de création... au sous-sol d'un duplex.

Une batterie, des claviers, une dizaine de guitares, des haut-parleurs, des amplificateurs : l'essentiel du décor est composé d'instruments. Le studio maison d'Éric Goulet constitue le gagne-pain du réalisateur qui a travaillé au fil des ans avec Vincent Vallières, Pierre Flynn, Patrick Norman, Gilles Bélanger et Luc De Larochellière.

«J'ai investi des milliers ici - peut-être 50 000 $, je ne sais plus. C'est à la fois mon lieu de création pour ma carrière personnelle et le studio d'enregistrement pour les artistes qui font appel à mes services. Il n'y a pas vraiment de limite à ce que je peux y faire. Mais il y a évidemment une question de confort. Si je veux enregistrer un quatuor à cordes ou un band de rock, je ne ferai pas ça ici: ce ne serait pas agréable.»

La «crise» musicale observée au Québec depuis plus d'une dizaine d'années a touché bon nombre d'artistes et d'artisans de l'industrie musicale, dont Éric Goulet.

«Bizarrement, mes disques personnels ne se vendent pas moins aujourd'hui qu'il y a 15 ans», dit celui qui a été à la tête des groupes Possession Simple et Les Chiens, et qui a également travaillé sous le pseudonyme de Monsieur Mono.

«Il faut dire que je n'ai jamais vendu énormément [rires]. C'est plutôt du côté de la réalisation que j'ai vu des changements. Quand j'ai commencé, au début des années 2000, le budget pour un enregistrement était d'environ 20  000 $. Maintenant, on s'attend à ce que je fasse le même travail pour 10  000 $, soit 1000 $ la chanson. Il y a une pression constante sur les prix.»

Perte de qualité

La démocratisation des outils de production a aussi permis aux réalisateurs et aux artistes de posséder leur propre studio et, par le fait même, de réaliser des projets pour beaucoup moins cher qu'avant, nuance M. Goulet. «L'envers de la médaille, c'est que cela en a poussé un bon nombre à s'improviser réalisateurs.»

«N'importe qui peut télécharger des programmes, faire un disque, le mettre en écoute libre ou tenter de le vendre sur le web, sans trop se soucier de la qualité offerte. On est un peu tombé dans la médiocrité.»

Le réalisateur ne croit pas que ce mouvement d'autoproduction s'estompera dans les prochaines années. Bien au contraire.

«Les productions maison augmenteront parce que c'est une solution peu coûteuse. En plus, on assiste à une certaine dématérialisation des séances d'enregistrement, alors que les musiciens peuvent s'envoyer leurs pistes par l'internet, sans vraiment voir les autres membres du groupe ou le réalisateur. Tout ça, pour sauver encore plus d'argent. Avec l'internet, le travail devient de plus en plus impersonnel. Et je trouve ça plus dommageable pour notre musique que la question même du financement des enregistrements québécois.»