L'approche était inédite au tournant du millénaire : côté pop expérimentale, Animal Collective est devenu depuis un classique de la révolution numérique. Issus de Baltimore, quatre adolescents férus d'ordinateurs et de nouvelles technologies avaient construit un langage pop d'une profonde originalité, et leurs projets individuels avaient aussi frappé l'imagination.

Où en est-on en 2017 ?

Sans cumuler les clics exponentiels sur l'internet, Panda Bear, Avey Tare et Geologist poursuivent la démarche (Deakin n'étant plus de la partie) et peuvent encore compter sur un auditoire fidèle qui remplit leurs salles.

Reconnu pour sa facture vocale, non sans rappeler les Beach Boys et le style barbershop, aussi réputé pour le caractère exploratoire de ses constructions chansonnières, pour son psychédélisme électro, pour le foisonnement de ses sons préenregistrés et brillamment traités, applaudi pour ses ruptures rythmiques, pour son bruitisme ornemental, également pour ses rendez-vous audiovisuels propices à la jubilation, Animal Collective continue la démonstration de sa pertinence.

Le groupe américain vient présenter demain au Corona une large part de son huitième opus studio, Painting With (Domino Records), ceci excluant deux autres albums de certains membres lancés avant 2003.

« Nous mettrons l'accent sur notre nouvel album, ce qui représente environ la moitié du concert », annonce Noah Lennox, alias Panda Bear, lorsque joint mercredi à Northampton, Massachusetts - étape de la nouvelle tournée, il va sans dire.

« Nous avons mené à bien certaines idées, avec à la clé ce sentiment de mission accomplie. » 

- Panda Bear, au sujet du huitième album d'Animal Collective

« Par exemple, nous avons voulu pousser plus loin la démarche vocale en produisant à la fois l'impression d'un résultat unifié et d'une plus grande distinction entre les lignes exécutées par chaque chanteur. »

Cela souligné, on sait que Painting With, malgré les apparitions du souffleur montréalais Colin Stetson et du mythique John Cale, n'a pas suscité le même enthousiasme que d'autres opus d'Animal Collective - on pense notamment au brillant Merriweather Post Pavillion (2009). Rien de plus humain, mais... comment demeurer créatif sur le long terme ?

Panda Bear répond en toute honnêteté : 

« Avec le temps, concède-t-il, c'est plus difficile. Tu ne veux pas te répéter, tu dois alors trouver de nouvelles façons d'exprimer tes idées, et aussi accoucher d'idées qui peuvent bouleverser ton langage. Il te faut poser des défis sans que ce soit forcé et... il faut quand même pousser plus fort parfois. Équilibre délicat... »

DES IDÉES, LA LIBERTÉ

Essentiellement axé sur la lutherie numérique et une expertise instrumentale acquise sur le terrain, l'édifice musical d'Animal Collective se fonde sur une immense créativité et un parcours autodidacte. À l'instar de ses collègues, Panda Bear continue de voir un net avantage à ne pas être passé par les institutions afin d'y maîtriser son art.

« Pour nous, ne pas avoir reçu d'éducation musicale a été un moyen de rester libre dans la création. »

- Panda Bear

« Encore faut-il avoir des idées pour profiter vraiment de cette liberté, ajoute-t-il. Tu dois alors réinventer ton rapport aux outils de création, tu dois paver ta propre voie dans ta manière de concevoir ta musique et tes chansons. »

L'autre dimension importante dans cette démarche atypique, indique en outre Panda Bear, réside dans le maintien du collectif : 

« Certains rôles restent stables, indique-t-il. Dave Portner [Avey Tare] et moi écrivons la plupart des formes préliminaires des chansons, mais nous nous retrouvons tous dans la même pièce pour les avaliser et les peaufiner. Aussi, chacun d'entre nous a ses qualités instrumentales. Par exemple, j'ai tendance à m'impliquer davantage dans la percussion. Techniquement, je ne suis pas super bon, il me faut alors trouver d'autres moyens pour faire en sorte que la percussion se démarque. »

La maîtrise s'acquiert de manière informelle, force est de le déduire : « C'est fondé sur la pratique, sur l'essai-erreur plutôt que sur l'étude rigoureuse d'un corpus académique. En ce sens, je suis fier d'avoir développé une relation de proximité avec mes machines. J'y ai conçu mon propre environnement et j'en apprécie hautement le processus. »

Dans la même optique, Panda Bear croit que l'inspiration musicale ne vient pas nécessairement de formes musicales apprises ou de genres musicaux parfaitement maîtrisés.

« Les idées viennent souvent d'ailleurs que de la musique. Par exemple, cela peut venir d'une situation vécue dans le quotidien, qui inspire alors une forme artistique, à tout le moins un flux d'inspiration. Pour moi, cela peut être plus significatif qu'une chanson entendue à la radio. La transcription en musique de formes non musicales peut être hautement créative. »

Au Théâtre Corona, samedi soir, 20 h, précédé de Circuit des yeux.