La chanteuse Natasha St-Pier, qui sortira le mois prochain un nouvel album intitulé Mon Acadie, est vivement critiquée ces jours-ci par de nombreux Acadiens qui l'accusent de propager des clichés sur leur culture dans son plus récent vidéoclip, Tous les Acadiens.

La chanson, popularisée il y a longtemps par Michel Fugain, présente une Natasha St-Pier rayonnante qui pagaye en canot, porte des chapeaux de plumes autochtones et marche dans une forêt où sont accrochés des capteurs de rêve.

Sur le site internet YouTube et sur la page Facebook de la chanteuse, les internautes sont déchaînés. «Depuis quand est-ce correct de s'habiller en habits autochtones en posant comme une Acadienne? Ça m'insulte! Tu viens du Nouveau-Brunswick, mais on dirait que tu ne comprends pas ce qu'est la culture acadienne», a écrit une dénommée Céline Vautour.

«Horrible. Quel massacre d'une culture. En plus, tu utilises des stéréotypes amérindiens pour décrire l'Acadie», a déploré une autre personne. Les commentaires négatifs se comptent par dizaines.

«Ouf...»

Quand La Presse a présenté le vidéoclip à l'auteure-compositrice-interprète d'origine acadienne Marie-Jo Thério, sa réaction fut instantanée. «Ouf...», nous a-t-elle spontanément répondu par courriel. En entrevue téléphonique, elle a ensuite expliqué comment cette chanson de Michel Fugain, «aussi jolie soit-elle», marque encore les artistes acadiens qui font carrière en France.

«Pour avoir longtemps vécu en France, c'est vrai que cette chanson est le cliché le plus inconfortable auquel nous sommes confrontés dans les rues de Paris. Et comme les Québécois le savent trop bien, les clichés sont lourds et bien souvent durs à remplacer, [dans l'Hexagone] comme partout ailleurs», a-t-elle affirmé.

«Je ne crois toutefois pas que le clip va modifier la perception qu'ont les Français de l'Acadie. Je ne me fais pas d'illusion: nous sommes encore pris avec ces clichés. Mais dans tous les cas, il ne faut pas fustiger Natasha St-Pier. Elle est gentille et a rapidement fait carrière en Europe, où elle a pris une orientation commerciale», a poursuivi Mme Thério.

Joseph Edgar, musicien originaire de Moncton dont le dernier album, Gazébo, a été salué par la critique, fait partie de la nouvelle vague d'artistes acadiens - comme Lisa LeBlanc ou le groupe Radio Radio, entre autres - qui ont le vent dans les voiles. Il trouve pour sa part que le vidéoclip de Natasha St-Pier est à tout le moins «maladroit».

«Je n'ai rien contre Natasha, affirme Joseph Edgar, mais je trouve dommage qu'on présente l'Acadie d'il y a 50 ans, sans compter ce qui est véhiculé sur la culture autochtone... Je trouve tout ceci maladroit, bizarre. Je déteste critiquer les artistes, mais là, c'est au-delà de l'art. Ça vient me toucher parce que c'est mon peuple, mon identité. Si tout d'un coup elle veut être la porte-parole de l'Acadie, je dis non merci.»

Cette réaction n'étonne pas René Cormier, président de la Société nationale des Acadiens (SNA). S'il refuse de critiquer ouvertement Natasha St-Pier, car il «n'a pas à dicter aux Acadiens comment exprimer leur Acadie», il affirme que son organisme travaille fort pour exporter une image plus moderne de la culture acadienne dans l'ensemble des pays de la francophonie.

Dans toute cette affaire, le président de la SNA fustige toutefois les médias français, qui ont colporté ces derniers jours des erreurs grossières concernant le peuple acadien.

«Des faussetés épouvantables ont été rapportées. On a entre autres dit que l'Acadie était une région du Québec, située au nord-est du Canada... Il y a un grand manque de rigueur», déplore M. Cormier.

Défendue par Édith Butler

Édith Butler, qui fait carrière depuis plus de 50 ans, défend pour sa part bec et ongles la jeune Natasha St-Pier, avec qui elle chante d'ailleurs sur l'album Mon Acadie.

«Le clip est époustouflant! Merveilleusement bien monté. Heureux, joyeux! C'est une grande fête. Natasha est resplendissante, éblouissante. Elle exprime sa culture, ses racines et les jeux de son enfance. C'est un des plus beaux clips que j'ai vus dans ma vie», a-t-elle affirmé à La Presse dans une conversation qui s'est déroulée par la plateforme de discussion du réseau social Facebook.

«Il ne faut pas politiser tout», a ensuite affirmé l'artiste originaire de Paquetville, au Nouveau-Brunswick.

Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises Sony Music Canada, qui s'occupe des relations de presse de Natasha St-Pier, hier. Après avoir établi un premier contact, personne n'a finalement répondu à notre demande d'entrevue.