Après une embellie en 2013 due à Stromae et Daft Punk, les ventes de CD ont de nouveau plongé au premier semestre 2014, mais les producteurs voient la progression du streaming comme un fragile motif d'espoir dans un contexte de crise persistant depuis plus de dix ans.

«Malgré la baisse du marché, on est positif car le streaming nous apporte, plus qu'un ballon d'oxygène, de vraies perspectives pour la suite», a estimé jeudi Guillaume Leblanc, directeur général du Snep, principal syndicat de producteurs de disques.

«Plus de 2 millions de Français» seraient, selon le Snep, abonnés aujourd'hui à un service de streaming audio sur Deezer, Spotify, Napster, Qobuz, Fnac et autres plateformes de streaming.

En ce qui concerne la musique numérique, les revenus issus du streaming (34,7 millions d'euros ou 48 millions $ au premier semestre 2014 en cumulant abonnements à des plate-formes et streaming gratuit financé par la publicité, soit +33%) dépassent ainsi pour la première fois en France ceux générés par les téléchargements (27,3 M EUR, 39 millions $ -18,5%).

Signe des temps, 30 ans après la création du vénérable Top 50, le Snep et les plateformes de streaming publient depuis mercredi un nouveau classement hebdomadaire des meilleures écoutes de singles en streaming.

Reste que ce mode de consommation de la musique ne représente pour le moment que 17,5% du marché global de la musique enregistrée. Pas de quoi endiguer la crise d'un secteur qui, entre 2002 et 2013, a vu son chiffre d'affaires annuel passer de 1,3 milliard d'euros (1,8 milliard $) à moins de 500 millions (713 millions $).

Pour le premier semestre 2014, le chiffre d'affaires (197,7 millions d'euros; 282 millions $) affiche une baisse de 9,2% par rapport aux six premiers mois de 2013, qui était une année atypique en raison des succès hors normes d'artistes comme Stromae, Daft Punk ou Maître Gims.

Cette baisse s'explique d'abord par la chute des ventes physiques (-13,6%), qui représentent toujours en France les deux-tiers du marché, alors que alors que cette part est désormais inférieure à celle de la musique numérique aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, rappelle le Snep.

Appel à Fleur Pellerin

En misant sur les nombreuses sorties attendues au second semestre, généralement plus actif dans le secteur musical, le Snep espère encore une année stable par rapport à 2013.

Pour autant, le syndicat appelle la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin, à soutenir la nouvelle «dynamique qui est en train de s'installer» avec des «mesures ambitieuses, qui ne coûtent rien à l'État et sont consensuelles dans l'industrie musicale», assure M. Leblanc.

Le Snep demande par exemple que «la diversité musicale (cesse) d'être piétinée à la radio» en affirmant que les stations ont intégré «deux fois moins de titres francophones» au premier semestre 2014 qu'au premier semestre 2009.

Les producteurs souhaitent aussi que le sujet du piratage «soit remis à l'agenda». Ils réclament l'application des propositions du rapport de la présidente de la commission de protection des droits de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, présenté en 2013. Ce rapport plaidait notamment pour renforcer la répression contre les principaux responsables des contrefaçons, en élargissant les outils de sanctions aux sites de contenus ou de référencement qui «incitent de façon active» les internautes à ces pratiques illégales.

Une façon de rappeler que le streaming ne suffira pas à sauver le secteur, alors qu'un acteur comme Qobuz, par exemple, a récemment été placé en procédure de sauvegarde en raison d'un manque de financement pour se développer.

Ce mode de consommation continue en outre à susciter une levée de boucliers chez l'Adami, la société qui gère les droits des artistes et musiciens interprètes, pour qui le streaming payant «est aujourd'hui un marché artificiel», «porté essentiellement par l'accord Orange/Deezer dont la fin programmée en 2015 achèvera probablement de mettre en lumière sa très faible réalité». Un modèle dans lequel, dénonce l'Adami dans un communiqué, «les artistes ne sont quasi pas rémunérés».