Très souvent, lorsque la musique instrumentale met la musique électronique à contribution, cette dernière demeure un ornement. Et lorsque l'électronique met l'instrumentale à contribution, c'est idem au profit de l'électro. Comment faire autrement ? Posez la question aux musiciens d'Archie Pelago.

Le trio américain est ainsi constitué : Zachary Koeber  (Kroba), saxophone et Ableton, Dan Hirshorn (Hirshi), trompette, Ableton et DJisme, Greg Heffernan (Cosmo D), violoncelle et Ableton. On sait qu'Ableton Live est un logiciel utile à la composition et l'arrangement, mais sa conception et son ergonomie permettent une utilisation en temps réel. Pendant qu'ils jouent, les instrumentistes peuvent ainsi traiter leurs sons. En transformer le grain, la texture, le timbre. 

Voilà, grosso modo, l'approche Archie Pelago, dont les membres ont été joints le week-end dernier à Brooklyn où ils résident.

Éduqués dans les facultés de musique de la grande région de New York, ces trois instrumentistes de formation classique (et/ou jazz) ont progressivement migré vers le territoire électronique. Leur musique a pris forme, en témoignent le maxi Lakeside Obelisk et l'album Grenier Meets Archie Pelago, rencontre entre le trio et un réalisateur féru de bass music.

La Presse: Comment la conversion s'est-elle faite ? 

Cosmo D: «  Dans le cadre de cours sur réalisation en studio, nous avons commencé à brancher nos instruments à des pédales d'effets. Nous avons alors aimé ce que nous faisions. Dan faisait DJ en plus de jouer la trompette, nous aimions la musique qu'il balançait. Nous étions curieux de la suite des choses, nous sommes allés de l'avant. Nous observons aujourd'hui que nous sommes loin d'être les seuls à préconiser la combinaison des deux approches. C'est clairement une tendance. »

Kroba: « Nous avons eu envie de créer en exploitant toute la palette des sons dont nous disposions. Nous voulions bien sûr utiliser nos instruments et mettre à profit nos formations mais ... nous étions aussi profondément séduits par la culture électronique, les atmosphères et les textures, par le dubstep, la bass music. »  

Hirshi: « Nous avons aussi écouté beaucoup de techno, celle de maîtres tels Jeff Mills et Robert Hood. Comme mes collègues,  je maîtrise les notions de mélodie, d'harmonie et de rythme, mais... la dimension texturale de la musique m'apparaît comme une zone plus mystérieuse. Le traitement des sons, les recherches de timbre et de textures représentent la nouvelle frontière à transgresser. »

LP: Comment les musiciens d'Archie Pelago définissent-ils leur identité en tant que groupe ?

Kroba : « Pour ma part, les premières formes hybrides de musique improvisée entre acoustique, électrique et électronique me sont provenues de Miles Davis - par exemple, son album Live Evil, créé au tournant des années 70. Aujourd'hui, des visionnaires du jazz contemporain, tel Anthony Braxton, exploitent aussi les possibilités de l'électronique dans leurs orchestrations incluant. Parallèlement aux musiques de ce type et des musiques classiques / contemporaines entièrement écrites, j'écoute de l'électro et j'en tire autant d'inspiration. Ainsi, je fais partie de cette communauté de plus en plus considérable d'instrumentistes de plus en plus intéressés aux musiques non instrumentales. Je sais également que plusieurs instrumentistes aguerris n'ont pas  encore saisi les enjeux esthétiques de la musique électronique. »

Hirshi : « Effectivement, encore peu de formations ont choisi notre démarche. Ce n'est pas vraiment un choix, en fait. Notre musique et notre son émergent naturellement, il importe peu pour nous d'en identifier les sources à tout prix. »

Cosmo D : « Lorsque nous avons commencé à nous produire en public, nous avons joué la musique d'autres compositeurs en plus de suggérer la nôtre. Nous ne savions pas si nous étions jazz, classique ou électro, pour finalement réaliser que nous étions... nous-mêmes ! Depuis, il nous importe d'aller plus loin  dans cette voie, tout en usant de tous les outils disponibles pour faire évoluer notre musique. »

LP: Qu'y a-t-il de plus gratifiant au sein d'Archie Pelago ?

Cosmo D : « Nous nous produisons souvent dans un contexte propice à la danse et la fête et  mais nous nous intéressons aussi à la création de nouveaux espaces sonores, à l'atteinte des plus hauts niveaux possibles. Ainsi, nous aimons adapter notre musique à différents contextes. » 

Kroba : « Je suis fier que notre groupe ne craigne pas de relever le défi de la mutation de musique instrumentale vers l'électro-instrumentale. Dans le plaisir, certes, mais sans compromis. Ainsi, notre facture est à la fois festive et cérébrale. Notre plaisir est contagieux lorsque nous nous retrouvons sur scène. »

Hirshi : « Tout simplement, nous sommes heureux de jouer ensemble. »

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Dans le cadre du festival EM15,  Archie Pelago se produit dans le programme Nocturne3, ce vendredi 30 mai, MAC, 22:00 - 03:00.  Pour infos : http://em15.org/fr