Monique Leyrac, la diva québécoise des années 60 et 70, a reçu hier le prix Denise-Pelletier pour les arts de la scène. Retirée dans ses terres à Sutton, Mme Leyrac se tient loin des projecteurs depuis 20 ans. Toutefois, à l'occasion de l'annonce de son prix, elle a accordé une rare entrevue à La Presse.

Monique Leyrac croyait avoir déjà gagné tous les prix et médailles. Quand le ministre Maka Kotto l'a appelée pour lui annoncer qu'elle venait de remporter le prix Denise-Pelletier, la chanteuse et comédienne lui a répondu qu'elle ne connaissait pas ce prix-là!

«Tant mieux, je n'ai pas eu le temps d'être jalouse», lance-t-elle de sa belle voix à la diction claire, chantante, malgré ses 85 ans et de récents problèmes avec son coeur et ses bronches. Retirée du métier voilà près d'un quart de siècle, Monique Leyrac confie avoir perdu l'habitude de la lumière publique.

Pourquoi donc avoir cessé à un âge où plusieurs multiplient disques, concerts et tournées? «Je ne veux pas dire du mal des autres, mais lorsqu'on se présente devant un public, on doit être en pleine possession de ses moyens. Si on n'est plus ce qu'on a été, à mon avis, ce n'est pas la peine de continuer. Autour de 60 ans, je n'avais plus le même feu, la même passion.»

Passionnée, Monique Leyrac l'a été toute sa vie active. Impérialement! Divinement! Elle a donné sa voix et son âme aux textes de grands auteurs québécois (Félix Leclerc, Claude Léveillée, Gilles Vigneault). Elle a chanté du Prévert comme du Plamondon ou des poètes classiques (Baudelaire, Nelligan). Elle a joué dans L'Opéra de Quat'Sous de Brecht/Weill et incarné dans un spectacle solo une autre bête de scène: Sarah Bernhardt.

Dans les années 50, Leyrac est l'une des premières chanteuses populaires québécoises à percer sur la scène internationale, à New York et en France. Elle a participé à des émissions de télévision à grande écoute et animées par les Ed Sullivan et Perry Como.

«Je me souviens que les Américains étaient très professionnels, dit-elle, respectueux et attentionnés avec les jeunes artistes. J'étais traitée comme une grande star. En France, c'était différent. Tu devais rentrer dans une boîte, une case. Il y avait la chanteuse réaliste, la chanteuse de charme, la fantaisiste... Or, comme je faisais tous les styles, ils ne savaient pas où me caser. Car je suis inclassable!»

La nostalgie, connaît pas!

Née Monique Tremblay dans le quartier de Rosemont, au sein d'une famille modeste, la jeune femme a travaillé dans une usine avant d'entamer sa carrière en chanson, à 15 ans. «C'est très jeune. Et c'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi j'ai laissé le métier. J'avais l'impression que si je n'arrêtais pas de chanter, je n'aurais jamais vécu, sauf pour le travail. Et j'ai bien fait.»

Depuis, Mme Leyrac cultive son jardin comme Candide: «J'ai acheté un terrain et une maison sublime en Estrie, avec une vue imprenable sur les montagnes. Tous les arbres que j'ai plantés sont devenus adultes. Je m'intéresse aux plantes et aux fleurs. Hélas, je commence à avoir des ennuis de santé, je ne sais pas si je vais pouvoir m'occuper de mon jardin au printemps prochain.»

L'interprète a travaillé avec André Gagnon et tant d'autres musiciens, compositeurs et personnalités du showbiz.

Êtes-vous parfois nostalgique de la gloire passée? «Absolument pas! À quoi ça sert, la nostalgie? Quand j'arrête quelque chose, c'est vraiment terminé.»

Avez-vous des regrets? «Ah non, pourquoi donc? Je n'ai pas de regrets, parce que j'ai toujours fait ce que j'ai voulu faire! Je m'intéresse pas à ce qui se fait aujourd'hui en musique. J'ai gardé seulement un peu contact avec le théâtre, parce que j'ai des amis auteurs et comédiens.»

«Le seul conseil que je donnerais aux jeunes interprètes, c'est de ne pas être ignares. De se cultiver. Moi, je lis tous les jours depuis l'âge de 6 ans. Et ça m'a servi dans ma carrière. Mais je n'aime pas donner de conseils. C'est rarement apprécié.»

LES LAURÉATS EN CULTURE

Le gouvernement du Québec a dévoilé, hier, le nom des 13 lauréats des Prix du Québec dans les domaines de la culture et de la science. Outre Monique Leyrac (arts de la scène), on trouve aussi Robert Morin (cinéma), Roger Des Roches (poésie), Marcel Barbeau (arts visuels) et Daniel Bertolino (télévision). La remise des prix, associés à une bourse de 30 000$, aura lieu le 12 novembre, à l'hôtel du Parlement de Québec.